Le Stade 2 auquel vous avez échappé.

Michael Schumacher (SAEED KHAN / AFP)

 

Plus de trêve des confiseurs !  Pas de place pour les rétrospectives et les tableaux d’honneur. Même si le rythme des  compétitions se ralentit, entre Noël et le jour de l’an  le sport est omniprésent  à la « Une » de l’actualité en cette fin d’année 2013. Voici donc à quoi aurait pu ressembler le stade 2 qui n’a pas eu lieu dimanche  dernier.

On aurait pu ouvrir l’émission avec la quenelle d’Anelka. Une mise en bouche amère en ces périodes d’intolérance et de communautarisme exacerbés. Une habitude fâcheuse désormais  pour célébrer un but ou faire passer un message inopportun sur un terrain de sport.  Une dédicace à Dieudonné.  Un geste « antisystème »  en aucune manière teinté d’antisémitisme, à en croire  Nasri qui  lui aussi s’était plié,  il y a peu,  à l’exercice.

On notera seulement que les footballeurs professionnels de ce niveau font partie des nantis du système. De se déclarer l’espace d’une quenelle hors système, peut faire sourire à minima.  Le ballon et tout le business qui l’entoure  garantissent  aux princes du football  un niveau de vie qu’ils auraient eu peine à imaginer durant leur enfance.  Evidemment le plus grave s'étale comme une maladie honteuse  en coulisses . Il suffit  de surfer sur Twitter ou Facebook pour prendre conscience de l’ampleur du phénomène. La quenelle pour certains est loin de se parer des vertus de l’innocence, de la blague de potache. Nauséabonde, elle véhicule, sous couvert d’anonymat souvent, la haine et l’exclusion. D’autres champions piégés  par l’objectif , dans cette même posture  ont heureusement depuis fait machine arrière. On peut rire de tout bien sûr mais pas avec n’importe qui.

On aurait pu ensuite parler de ces JO à venir, vitrine annoncée de la toute-puissance poutinienne,  De ses coûts exorbitants en termes d’infrastructures et de sécurité. De ces  jeux à hauts risques bien éloignés de l’idéal coubertinien.

A 40 jours de la cérémonie d’ouverture 40 personnes ont perdu  la  vie. En guise de hors d’œuvre, d’avertissement. Trois attentats en quatre  jours perpétrés  dans la région de Volgograd, dans le nord Caucase. Le milliard d’euros injecté par l’état russe pour garantir  la sécurité des athlètes pendant la quinzaine olympique,  suffira- t-il à masquer les tensions extrêmes qui secouent la région ? Comment le CIO a-t-il pu ignorer à ce point cette bombe à retardement ?

Conscient de la lourdeur des premiers sujets, une place aurait sans doute été réservée au conte de Noël de Bercy. A l’occasion du All Star Game de basket,  un spectateur désigné par le sort parmi les 14000 qui garnissaient les tribunes a remporté un chèque de 100000 euros en expédiant du milieu du terrain,  le ballon dans le panier. Une seule tentative pour empocher le gros lot d’un loto jusqu’à présent vierge de gagnant. Suffisant pour déclencher l’hystérie et  porter en triomphe le héros du  jour. Un chômeur extatique qui masque à lui seul  le désarroi de tous les autres. Tous les éléments réunis pour écrire une belle histoire et faire fonctionner à plein régime la machine à rêves.

On aurait pu en rester là, mais la tragédie est venue s’inviter avec une grande brutalité.  Le crâne de Michael Schumacher, le septuple champion du monde de F1 a heurté violemment un rocher du côté de Courchevel. Destinée brisée pour un champion d’exception, qui avait déjoué tous les pièges des circuits et pouvait désormais couler des jours heureux, à l’abri du besoin, des soucis des communs des mortels.

Le drame qui frappe Schumi met en lumière la fragilité des êtres face aux lois de la nature. Tout peut basculer m’importe tout et à n’importe quel  moment. Personne n’est véritablement à l’abri. Ni les démunis, ni les nantis. Ce constat implacable devrait nous faire réfléchir. Plutôt que de véhiculer le ressentiment et la haine, il serait plus valorisant pour tous de privilégier la tolérance et la compassion.

Le sport, quel que soit son niveau de pratique, est un formidable vecteur pour y parvenir. Lorsque l’on transpire et que l’on souffre, on se moque éperdument de la couleur de peau ou de la confession de son partenaire d’entraînement ou de compétition.

A chaque instant, notre vie peut s’interrompre. Profitons d’être vivants pour offrir ce que nous avons de meilleur en nous. Un geste simple  sans ambiguïté aucune.  Un peu d’amour partagé.  Bonne fête à tous, belle année à venir et beaucoup de courage à la famille de Schumi.

 

De mon village capital
Où l'air chaud peut être glacial
Où des millions de gens se connaissent si mal
Je t'envoie comme un papillon à une étoile
Quelques mots d'amour

Je t'envoie mes images
Je t'envoie mon décor
Je t'envoie mes sourires des jours où je me sens plus fort
Je t'envoie mes voyages
Mes jours d'aéroport
Je t'envoie mes plus belles victoires sur l'ironie du sort

 

Quelques mots d’amour. Michel Berger