Sochi 2014 "Essuyage de plâtres"

MALTE CHRISTIANS / HOCH ZWEI / PICTURE-ALLIANCE/AFP

 

 Dès l’atterrissage, on ressent le choc. Le poids des cultures, le besoin de marquer les esprits. Un seul avion à débarquer sur l’aéroport d’Adler. Le notre  estampillé 100 % presse  française. Un Boeing spécialement  affrété pour l’occasion.

Adler, l’antichambre aéroportuaire de Sochi, ville du Caucase située sur les bords de la mer noire. A quatre heures de vol de Paris. Un autre monde. Un cocktail subtil de modernisme aux relents soviétiques.

L’accueil est impeccable. Les sourires de circonstance réservés aux membres de la famille olympique. Une armée de douaniers, de volontaires zélés,  s’active  pour accélérer des procédures qui restent pesantes, sécurité du territoire oblige.

Quelques minutes plus tard, notre  bus s’éloigne d’une côte dont nous ne percevons que les lumières lointaines. La nuit est tombée depuis longtemps. Sochi, l'historique,  s’offre et se dérobe  dans la seconde qui suit. Nous ne visiterons jamais la cité balnéaire qui a donné son nom aux JO les plus onéreux de l’histoire. Notre destinée se situe ailleurs quelque part au bout de cette route neuve mais étroite qui s’élève régulièrement.

Une petite heure environ pour atteindre Nowhere Land. Un ensemble d'immeubles ocres,  de stuc et de toc, tout juste sorti de terre. Quelques arbres rescapés témoignent de ce que fut la forêt dense naguère. A J-3 les JO sont encore en sommeil. Seul le tremplin de saut fièrement illuminé sur la droite de la route semble presser d’en découdre. L’endroit est quasiment désert, étrangement silencieux.

Il faut descendre du bus. A regret. Le froid est plus mordant. Krasnaja Poljana, la nouveau née, est située à 540 mètres d’altitude. Elle accueille le MBC, le poumon télévisuel qui bientôt diffusera  au monde entier le message olympique. Pour rejoindre l’hôtel il faut prendre la télécabine qui pour l’heure tourne obstinément  à vide. Dix minutes d’ascension. Une autre ville à près de mille mètres d’altitude. Une plateforme hôtelière pour être plus précis. Nulle âme qui vive, mais des bruits incessants  de chantier. Une armée de soldats invisibles s’échine à la lumière des projecteurs. Un dieu casqué multiplie les dalles de béton avec une insolente efficacité.

Dimanche le centre commercial était encore un invraisemblable bourbier. Il parait qu'il a ouvert officiellement  ses portes aujourd’hui,  dévoilé ses vitrines luxueusement achalandées. Nous passons la valise à la main devant la façade du  Swiss Hôtel, pour l’heure encore plongée dans l’obscurité des projets en souffrance. On se croirait dans le Créteil moderne de « Buffet froid ».

Un peu plus loin, le Grand Gorki Park a ouvert ses portes juste pour nous. Le portique de sécurité à l’entrée est des plus retors. L’officier de sécurité bon enfant nous invite à ignorer  sa sévérité. Il lit l'impatience sur les visages de ses hôtes.  Il sait que le plus compliqué est à venir.

Une file d’attente se forme devant le comptoir d’enregistrement. Les formulaires pointilleux à remplir, la photocopie des passeports, l’ordinateur impuissant à attribuer des chambres qui pour l’heure n’existent pas. L’hôtellerie haut de gamme tente d’apprivoiser la bureaucratie héritée de la défunte URSS. Tout le personnel essuie les plâtres avec des mimiques navrées et quelques pauvres mots d’anglais. Le ton monte. La fatigue est perceptible.

Le patron de la restauration, un chti émigré dans les montagnes du Caucase, trouve la parade pour apaiser d’un seul coup toutes les tensions. Les cuisines ne sont pas encore opérationnelles mais il se fait fort de réunir sa clientèle autour d’un plat de fromage, de charcuterie, arrosé d’un généreux Bourgogne Pour un peu on se croirait à la maison. Les rires fusent. Il parait que le PSG mène à Nantes.  La fatigue et l’agacement s’effacent comme par miracle.

Les JO peuvent commencer, même si les chambres ne sont pas tout à fait prêtes. Vers 3 heures du matin tout le monde est enfin logé. Si la douche ou le chauffage ne fonctionnent pas toujours , que les cintres et les rideaux manquent à l'appel,  il sera toujours temps de s’en préoccuper demain. Lorsque le soleil sera levé et que les cimes enneigées nous rappellerons que le monde ne s’est fait en jour et qu’il ne faut jamais désespérer.

Publié par pmontel / Catégories : JO