Andrés, vous avez vécu une année 2010 fantastique, avec notamment un été inoubliable. Vous vous rappelez du 11 juillet, Espagne-Hollande...
Andrés Iniesta : "Ce fut un moment très spécial pour la sélection espagnole. On n'avait jamais remporté la Coupe du Monde. On avait tellement rêvé de ce moment-là, moi-même depuis que je suis tout petit. C'est le rêve de tout joueur. Jamais je n'aurais imaginé que je marquerai un jour dans ma vie un but aussi important. J'ai vécu quelque chose de très fort. C'était incroyable."
Vous avez encore des étoiles dans les yeux...
A. I. : "Avec ce but, je suis rentré dans l'histoire, pour toujours. Les années passeront et on parlera encore de ce but. Chaque fois que je le revois ou même que j'en parle, j'en ai encore des frissons."'
Racontez-nous ce moment si particulier...
A. I. : "Le but est arrivé à la 116e minute. Quand j'ai contrôlé le ballon, je savais où était le but. Je savais où était le gardien. Je savais ce que j'avais à faire. J'étais sûr que ça allait faire but. Je savais que le moment était venu pour l'Espagne. Je ne pouvais pas le rater."
Dans la foulée, vous rendez hommage à votre ami d'enfance Dani Jarque (ancien joueur de l'Espanyol de Barcelone décédé le 8 août 2009 d'un arrêt cardiaque). Pourquoi avoir choisi ce moment?
A. I. : "Je n'avais pas eu l'opportunité de faire quelque chose pour lui à travers le football, et de lui rendre hommage. C'était le meilleur moment pour le faire. Une finale de Coupe du Monde, c'était du jamais-vu en Espagne. Enormément de monde nous regardait. En fait, j'avais l'intention de montrer ce maillot à la fin du match, au coup de sifflet final, si l'Espagne gagnait. Mais, il y a eu ce but, et j'ai voulu tout de suite associer Dani à ma joie et que tout le monde se souvienne de lui."
Du coup, vous êtes le seul joueur du Barça ovationné par les supporters de l'Espanyol.Ce fut le cas le 18 décembre dernier lors du derby...
A. I . : " J'ai vécu sur d'autres stades cette saison, avec des gens qui m'applaudissaient à ma sortie. Mais de la part du public de l'Espanyol, ce fut un moment magique. C'est un sentiment qui dépasse le cadre du football. Ca démontre qu'au-delà des rivalités, des couleurs, il y a des hommes et des moments comme la finale du Mondial qui permettent de rassembler tout le monde. Et ça fait chaud au coeur."
Et si vous gagnez le Ballon d'Or, vous le dédierez également à Dani Jarque?
A. I. : " Si je gagne, une partie du Ballon d'Or sera pour lui. Non seulement parce qu'il nous manque, mais aussi parce que j'ai partagé plein de bons moments avec lui. Il m'a toujours soutenu. Il a contribué à ce que je devienne un meilleur joueur et une meilleure personne."
Ce Ballon d'Or, vous en rêvez j'imagine?
A. I. : "Obtenir le Ballon d'Or, c'est un honneur, un privilège. C'est difficile de ne pas y penser en ce moment. Il va falloir profiter de chaque minute de ca gala, au milieu de personnes aussi importantes. Ca va être fabuleux."
C'est un peu particulier de se retrouver en concurrence avec deux autres joueurs du Barça?
A. I. : " C'est un moment historique. On doit en profiter. Nous sommes trois joueurs du Barça, tous formés au club. Pendant des années, nous rêvions de pouvoir jouer chez les professionnels. Et maintenant, nous sommes en concurrence pour gagner le Ballon d'Or. C'est formidable!"
Et si vous deviez voter pour quelqu'un? Iniesta? Xavi? Messi?
A. I. : "Je ne peux pas choisir! Pour moi, les deux figurent parmi les meilleurs joueurs du monde. Ils le méritent tous les deux aussi. Je suis fier d'être à leurs côtés pour partager ce moment-là. Après savoir qui va gagner, ça dépend seulement des personnes qui votent..."
Si vous deviez définir Messi en un mot?
A. I. : "Spectaculaire. De nos jours, c'est très difficile de faire la différence, de créer des décalages. Lui, il y arrive d'une manière incroyable."
Et Xavi?
A. I. " Phénoménal. Tout paraît facile avec lui. Il joue toujours très bien alors que c'est difficile de se maintenir constamment au très haut niveau. Lui, il y arrive. Il fait partie des plus grands."
Quel est le secret de la Masia, le centre de formation du Barça, pour sortir autant de bons joueurs?
A. I. :" Je ne connais pas le secret. La seule chose que je peux dire, c'est que les gens travaillent ici très bien au centre de formation. Les entraîneurs savent expliquer les choses aux joueurs. C'est un travail des plus jeunes jusqu'aux professionnels. Les idées sont toujours claires, que l'on gagne ou que l'on perde. L'important est de former des joueurs qui s'améliorent de jour en jour, pour arriver en équipe professionnelle. Les choses se font naturellement, car on joue d'une manière bien déterminée. Ca fait douze ans que l'on joue comme ça!
Et après, on peut imaginer Andrés Iniesta entraîneur du Barça, pour entretenir cette philosophie?
A. I. : "J'ai 26 ans, j'ai encore quelques années devant moi. Mais c'est sûr qu'ensuite, j'aimerais continuer dans le foot. C'est toute ma vie. Alors, après ma carrière, j'espère que je pourrai transmettre tout ça aux plus jeunes, tout ce que j'ai appris ici à la Masia."
Propos recueillis par Fabien LEVEQUE