Tout d'abord, en tant que Guyanais, qu'est-ce-que le Brésil représente pour toi?
Florent Malouda : " Hormis le fait que ce soit notre voisin, le Brésil c'est quelque chose de sacré par rapport au football. Etant jeune, j'étais fan des équipes de club comme Flamengo et Sao Paolo, et aussi de l'équipe nationale brésilienne. Le Brésil, ça me fait rêver!"
Tes idoles de jeunesse étaient brésiliennes alors?
F. M. : "Oui. J'étais fan de Romario. C'était un artiste. Quand j'étais petit, je m'inspirais de sa façon d'éliminer les défenseurs. C'était tout en feintes parce qu'il ne pouvait pas jouer sur le physique. J'adorais Cafu aussi, qui jouait à l'époque avec son numéro 2. Ca m'avait marqué, et souvent dans les tournois de quartier, et j'aimais bien me faire appeler Cafu. Je portais souvent le maillot du Brésil, c'était une façon de se mettre dans la peau des artistes brésiliens."
Quand on grandit comme toi en Guyane, on ressent un vrai mélange de cultures?
F. M. : "Oui. En plus ma femme est originaire du Brésil, comme toute ma belle-famille. En 2006, mon beau-père avait fait le voyage en Allemagne. Il était déçu du résultat au retour. Il y a un vrai mélange de cultures. Ca fait partie de mes origines. Il y a une forte communauté brésilienne en Guyane, et c'est pourquoi ce match France-Brésil est aussi particulier pour nous."
Et le 12 juillet 1998, jour de finale de Coupe du Monde, tu supportais quelle équipe?
F. M. : "J'étais pour le Brésil. J'avais même parié sur une victoire brésilienne. J'étais en stage avec Chateauroux à Rodez. Bien sûr, j'ai perdu! A 1-0, je commençais à m'enfoncer dans mon siège. A 2-0, j'ai dévalé les escaliers pour aller me cacher dans ma chambre. A 3-0, il y avait toute l'équipe qui tapait à ma porte pour récolter les paris! Et jusqu'à maintenant, je n'ai toujours pas payé d'ailleurs.... J'étais à contre-sens ce jour-là, mais ça ne m'a pas empêché de de faire la fête après avec le reste de l'équipe. Mais, j'avoue, j'étais pour le Brésil!"
Le 1e juillet 2006, jour de quart de finale de Coupe du Monde, tu étais acteur cette fois-ci...
F. M. : "C'était un mélange d'émotions. Beaucoup de respect déjà pour tous ces joueurs que j'admirais quand j'étais plus jeune. Je me suis retrouvé face une légende : Cafu. Jamais, je n'aurais imaginé ça plus jeune. Mais en même temps, il y avait l'envie de se mesurer à eux et de prouver qu'on était plus forts. On était bien encadrés avec Zizou, Maké, Tutu, Titi, et Pat Vieira. A la collation, on était calmes, sereins, comme si on sentait que le match était pour nous. On était sûrs de nous et dès le coup d'envoi, après les premières prises de balle de Zizou, je me suis dit c'est bon.
Tu te rappelles du but?
F. M. : "Je me frottais à mon idole! Cafu fait une faute sur moi. Le coup-franc est bien tiré. On les avait travaillés à l'entraînement. J'ai été impressionné par le sang-froid de Titi, sa lucidité pour mettre ce ballon sous la barre. Là, on s'est dit qu'il ne pouvait rien nous arriver. C'était une question d'honneur, il fallait gagner. C'est un grand moment dans une carrière, ça reste à vie."
Et un France-Brésil en Guyane, ça se passe comment?
F. M. : "C'est du 50-50. Chaque fois, en début de compétition, les Brésiliens fanfaronnent, ils klaxonnent dans les rues de Cayenne. Les drapeaux français, c'est toujours un peu timide au départ. Heureusement, on a gagné le dernier duel et j'ai pu rentrer tranquillement en Guyane, avec un grand sentiment de fierté."
Et finir ta carrière au Brésil, c'est envisageable?
F. M. : "Ce serait sympa de porter un jour un maillot brésilien, et pourquoi pas gagner un titre là-bas? Sur le palmarès, champion du Brésil, ce serait sympa, non? J'aimerais bien avoir ça sur mon CV."
Et la Coupe du Monde 2014 au Brésil, c'est ton dernier objectif?
F. M. : "C'est une échéance importante, un objectif que je me fixe. J'aurai 34 ans. Ce serait symbolique de finir sur une bonne note là-bas en équipe nationale!"
Propos recueillis à Londres par Fabien LEVEQUE