Se retourner. Eveiller la curiosité, l’intérêt.
Retourner. Se donner une deuxième chance.
A l’occasion d’une intervention à l’université, je m’étais retourné il y a quelques mois, sur Sashina et Teshana. L’histoire des ces deux sœurs malaises m’avait bouleversé. (Lire le papier précédent) .
Cette semaine, je suis donc retourné à Strasbourg pour me donner une deuxième chance. Un journaliste paraît-il a besoin de trois jours ou de trois ans pour faire le tour d’une question. Le simple citoyen ne s’interdit pas une voie médiane. J’ai simplement eu envie de comprendre la raison pour laquelle mon pays refusait obstinément depuis 8 ans d’accorder la nationalité française à deux jeunes femmes exemplaires.
Dans un reportage réalisé par France Strasbourg peu après leur arrivée en France, les soeurs Vignes exprimaient dans un anglais parfait face caméra leur souhait le plus cher. Leur rêve d’adolescentes (Elles étaient âgées alors de 15 et 16 ans). Devenir française. Leur atout majeur. Exceller dans une discipline embryonnaire en France et leader dans leur pays natal la Malaisie. Le badminton.
A la lecture des textes réglementaires, voici les conditions à remplir pour pouvoir prétendre acquérir la nationalité française.
Le demandeur doit être majeur. Sash et Tesch (leurs surnoms) ont aujourd’hui 23 et 24 ans.
Le demandeur doit résider en France. Après avoir partagé une chambre de 12 mètre carrées au CREPS pendant 5 ans, les sœurs Vignes ont emménagé dans un coquet F3 à Strasbourg.
Le demandeur doit justifier d’une résidence habituelle en France depuis au moins 5 ans .Durée qui peut être réduite à 2 ans dans le cas d’études brillantes ou de capacités ou de talents susceptibles de rendre des services à la France. Sash et Tesh sont arrivées sur le territoire français en 2004. Elles ont obtenu haut la main le bac S. Sash est désormais virtuellement la numéro 1 française en badminton. Elle est classée à la cinquantième place mondiale. Tesh est l’une des meilleures joueuses de double dans l’hexagone.
L’insertion professionnelle constitue une condition essentielle de l’assimilation et de l’intégration en France.
Sash et Tesch préparent un diplôme universitaire de management d’une carrière de sportif professionnel. Elles ont signé dans ce cadre un CDI avec leur club d’adoption, l’ASPTT Strasbourg. Elles sont de facto devenues les premières joueuses professionnelles de badminton (Elles disent « bad ») en France.
Leur salaire, leurs primes de match et leurs contrats sponsoring constituent un revenu régulier. S’il est loin d’être mirobolant, il leur permet largement de vivre.
Le demandeur doit justifier d’une connaissance suffisante de la langue française et d’une adhésion aux valeurs essentielles de la république.
Sash et Tesh s’expriment couramment en français comme vous et moi. Pour ce qui est de leur civisme, il force le respect. D’autres que moi, qui les fréquentent assidûment pourraient aisément témoigner. Leur parcours est en tous points exemplaire.
Dernière chose. Sash a remporté récemment l’open de Belgique, sous les couleurs de la France. La fédération sur sa page internet s’en est d’ailleurs félicitée, la consacrant à la Une « Reine de Belgique ». Peut être Belqique mais en aucun cas de France. Les soeurs ne peuvent prendre part au championnat de France ni par conséquent aux grands rendez-vous continentaux et aux JO.
Plus grave. Sash et Tesh viennent d’essuyer cette année un troisième refus de naturalisation de la part de la préfecture. Motif « Revenu insuffisant » Tous les arguments sont bons pour enliser le dossier. L’administration exige maintenant qu’elles fournissent un nouvel extrait de casier judiciaire car l’ancien est arrivé à expiration. Comme si dans l’intervalle Sash et Tesh qui résident en France auraient pu commettre des exactions en Malaisie.
La situation devient ubuesque. On pourrait en sourire s’il ne fallait pas à chaque fois patienter deux années avant de représenter un nouveau dossier.
Or la carrière d’un athlète de haut niveau est brève et tout le temps perdu ne se rattrape guère. Sans jeter des noms en pâture, les exemples sportifs ne manquent pourtant de naturalisations express entérinées pour cause de championnats à venir.
Sash et Tesh de toute évidence sont les victimes collatérales d’une guéguerre entre leur club et les instances fédérales. Il est paraît-il de bon ton d’intégrer le pole élite de l’INSEP. Or l’élite féminine française s’est réduite comme une peau de chagrin à tel point que la numéro 2 française n’est âgée aujourd’hui que de 17 ans. Elle s’entraîne d’ailleurs, ironie du sort, au pole espoir de Strasbourg sans jamais pouvoir s’entraîner avec Sashina.
Pourtant lorsque on s’entretient avec les responsables fédéraux, ils nous jurent la main sur le cœur qu’ils n’ont qu’un seul souhait. Que les deux sœurs deviennent françaises. De deux choses l’une. Soit ils disent vrai et alors se pose clairement le problème de leur efficacité et donc de leur compétence. Soit ils dissimulent d’autres manoeuvres plus fallacieuses .
Dans les deux cas, il est question rappelons du devenir d’êtres humains. De jeunes filles qui ont amplement mérité que la France leur tende la main.
Il ne faudrait pas que l’image du badminton, sport scolaire de premier plan, soit durablement terni par cette so bad attitude.