Dans une semaine le quinze de France aura sur la pelouse de l’Eden Park d’Auckland l’occasion de se réserver une place de choix dans la grande histoire du sport.
Il lui faudra pour cela en plus de vaincre les All Blacks et en même temps désespérer une nation toute entière. Terrasser les néo zélandais chez eux, c’est en effet comme disposer en football des brésiliens dans leur antre du Maracana.
Cela revient à imposer un jour de deuil national à un peuple surexcité dans l’attente d’un sacre annoncé. Si les hommes de Marc Liévremont réalisent ce tour de force, il faudra bien qu’alors les spécialistes de tous poils s’interrogent sur la destinée singulière d’un homme devenu héros malgré lui après avoir tant de fois été contraint de manger son chapeau.
Lièvremont débarqué avant même le début de la compétition, a subi stoïquement depuis années le feu roulant des critiques.
Comment le monde de l’ovalie pouvait tolérer qu’une personnalité aussi terne soit bombardée sélectionneur quand tant de généraux au verbe haut avaient avant lui occupé la place ?
Comment expliquer qu’un sélectionneur digne de ce nom ne soit pas capable d’aligner deux fois la même équipe ?
Qu’il s’obstine à titulariser les joueurs à des postes incongrus, différents de ceux qu’ils occupent habituellement dans leurs clubs ?
Il serait cruel à l’heure de la finale de compiler toute cette prose dépitée et assassine qui annonçait l’inéluctable débâcle. Ce seront sans doute d’ailleurs les mêmes oracles qui en cas d’exploit réhabiliteront l’œuvre de Liévremont sans le moindre état d’âme.
Ainsi va la vie et la mémoire des hommes. Sélective et défaillante. Mais l’essentiel n’est pas là. Tout se passe comme si le parcours chaotique des bleus à l’autre bout du monde avait fini par placer Marc Liévremont hors de portée de toutes ces critiques.
L’homme s’est laissé pousser la moustache comme pour mieux marquer son détachement. Sélectionneur sans avenir, l'homme s'est totalement libéré. Il a affronté sans ciller lors des conférences de presse la meute des journalistes, sans langue de bois, ni effets de manche.
Il n’a pas hésité à admonester ses joueurs les traitant tour à tour d’égoïstes et de sales gosses, leur signifiant pour finir qu’il en avait soupé de cette cohabitation forcée.
La ficelle est un peu grosse évidemment. Liévremont a utilisé les médias avides de petites phrases pour installer son managérat. D’abord en concentrant les volées de flèches empoisonnées sur sa propre personne, ensuite en maintenant ses joueurs dans un état de révolte permanente.
Avec un seul leitmotiv. « Qu’ils prennent en charge eux-mêmes désormais leur destinée ! Moi je me tiens en retrait »
Pour l’instant le parcours des bleus lui a donné raison. Et peu importe après tout si les bleus n'y ont pas ajouté la manière !
Dimanche prochain si par bonheur la France s’impose, d’aucun diront peut être que le mérite en revient aux joueurs exclusivement. Ce serait à mon sens une erreur tragique. Tout l’art du management consiste justement à savoir mettre ses troupes dans les conditions idéales pour partir au combat.
Même si le sélectionneur pour cela doit devenir invisible ou pire encore passer pour un incompétent