En 2008, le 12 juillet précisément le club de Stoke a rendu un vibrant hommage au plus grand gardien de but anglais de l’histoire. Gordon Banks , ce jour là, a reçu dans l’enceinte du Britannia Stadium, tous ses amis parmi lesquels les survivants de la grande finale de Wembley et le roi Pelé himself. Ce dernier qui manie l’humour comme personne a en guise d’hommage délivré à son hôte cette dédicace savoureuse. » Partout où je me déplace, on célèbre mes buts. Mais ici on ne parle que de celui que Gordon m’a interdit de marquer. »
Cette parade d’exception restera à jamais gravée dans l’imagerie collective. C’était en 1970 lors de la coupe du monde au Mexique. Une tête à bout portant du prodige brésilien, une manchette phénoménale, le corps à l’horizontale, comme cinglante réponse, du portier anglais. » J’ai marqué un but mais Banks l’a arrêté ! » Déclara simplement Pelé à la fin du match.
Ce jour de juillet 2008, Pelé solennellement dévoila la statue en bronze qui commémore à jamais les exploits de Gordon Banks, président d’honneur du club de Stoke après en avoir été le plus illustre de ses joueurs. A Stoke on Trent, au cœur de l’Angleterre laborieuse, on cultive un peu plus qu’ailleurs le devoir de mémoire. Le jour du match des gamins aux joues blêmes accoutrés de rouge et de blanc s’imprègnent de l’atmosphère, encadrés par un membre du club .Ils déambulent en cortège silencieux comme en pèlerinage du bord de la pelouse au centre de presse. Tout est fait pour que le jour où devenus adultes ils n’oublient jamais les chants et les rites qui ont bercé leur adolescence.
On leur raconte volontiers l’histoire véridique de cette dame âgée aujourd’hui de 91 ans qui est restée fidèle au club depuis 1945. De ses larmes de dépit, lorsque victime d’une fracture du col du fémur, elle dut renoncer à accompagner l’équipe fanion en déplacement. Dans ce bastion des Midlands, on n’éprouve guère de tendresse pour les nantis de Manchester, d’Arsenal ou de Chelsea. Le public de Stoke est réputé pour être le plus chaud de tout le pays. La bas on est potiers de père en fils et tant pis si la désertification économique a réduit de 2000 naguère à une vingtaine aujourd’hui le nombre de poteries alentours.
Stoke, l’un des plus petits budgets de première league foulera au mois d’avril la pelouse de Wembley, comme une divine récompense. Ce jour là Gordon Banks sera évidemment du voyage. Son club qui n’a jamais rien gagné hormis une malheureuse coupe de la ligue en 1972 est pourtant l’un des plus vieux au monde, crée en 1863 une année seulement après celui de Notts County le doyen des doyens.
Banks est un peu comme son club de Stoke. Une légende vivace qui a si peu reçu en retour. Il a même perdu un œil dans un accident de la route en 1972 ce qui a abrégé son immense carrière et n’ a touché à l'époque en tout et pour tout que 1000 livres sterling soit 1100 euros pour son titre de champion du monde. Banks ne se plaint pas pourtant. Il travaille toujours comme conseiller pour une entreprise de paris sportifs et ne rate jamais une occasion de se rendre au stade.
Ce dimanche un ciel immensément bleu a salué l’exploit des Potters vainqueurs des Hammers de West Ham grâce à deux petits gars épatants. Higginbotham, arrière latéral de devoir, natif de Manchester et Delap un Irlandais aux bras si vigoureux qu’il est capable de catapulter dans la surface des ballons depuis la ligne de touche. Gordon a certainement écrasé une larme à la fin de la partie pour célébrer ce football à l’ancienne, ce kick and rush total dont on dissertait à l’infini dans les pubs du centre ville une pinte à la main.
En quittant le Britannia Stadium au milieu de supporters ivres de bonheur, je repensais aux paroles d’Alan Shearer, une autre légende native de Newcastle toute proche. « Personne par ici ne te reprochera jamais de mal jouer au football mais seulement de ne pas mouiller ton maillot. La vie est dure, les places au stade sont chères. La fidélité du public nous oblige à ne jamais tricher ! »