Joue là comme Hessel

Je me suis réveillé ce mercredi avec le cœur serré. Stéphane Hessel s’était échappé dans la nuit.

Je ne suis pas l’un des ses intimes pourtant. Je ne l’ai même jamais rencontré. Pour être franc  j’ai  découvert son existence sur le tard, en 2009, lorsque l’un des mes connaissances photographe  a eu la belle idée de rééditer la déclaration universelle des droits de l’homme à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa rédaction. Le vieil homme avait avec enthousiasme accepté  de préfacer  l’ouvrage. Il était âgé alors de 91 ans. A un âge vénérable où le plus grand  nombre s’est déjà éclipsé.

Lui ne se résignait pas. Il lui restait encore tant de choses à faire. Rédiger le plus inattendu des Best Sellers, réciter de mémoire des milliers de vers enchanteurs, être de toutes les batailles, pourvu qu’elles soient justes.

Je me suis endormi  ce mercredi avec à l’esprit des images du parc des princes. La sortie orchestrée  à 5 minutes du coup de sifflet final de David Beckham, sous les vivats de la foule. L’icône de la mode avait rempli son contrat de footballeur pour sa première titularisation réelle sous le maillot du PSG.

Un match propre, appliqué, sans fioritures ni débordements excessifs. De l’honnête ouvrage sportive.

Je ne suis pas un intime du spice boy. Comment pourrait-il en être autrement ? Nous ne fréquentons pas le même monde.

Le mannequin footballeur a aujourd’hui 37 ans. Un âge canonique pour les membres de sa profession. Il a pourtant encore tant de choses à faire, tant d’avoirs à faire fructifier. J’ai appris par la presse que Beck avait dédicacé sur les Champs Elysées,  le lendemain du clasico en compagnie de Zidane, des maillots et des ballons à une trentaine de fans triés sur le volet. Belle opération de promotion pour la discipline sportive la plus universelle.

Mais la comparaison s’arrête là évidemment. Beckham, et comment le lui reprocher, puisqu’il respecte les règles du jeu, la joue perso et même un tantinet tordu avec le fisc. Son CDD  de 5 mois  signé avec le PSG, son salaire de principe redistribué aux orphelins ne sont que des écrans de fumée, destinés à attendrir les cœurs sensibles  et  conforter une image en or massif. L’essentiel pour lui  est ailleurs dans des contrats publicitaires mirobolants dont les royalties  lui sont directement versées dans des paradis fiscaux.

`C’est son droit après tout. Beckham n’a rien volé à personne. Il fut même par le passé un brillant artisan du ballon et aujourd’hui  seul dépositaire d’un look et d’une démarche qui fait frémir de plaisir des milliers de groupies de par le monde.

A l’inverse, Stéphane Hessel dédaignait l’esbroufe. Ses combats pour les sans papiers, les sans abris, les démunis de tout, il les a menés dans l’ombre avec application et obstination sans jamais se résigner.

Avec pour reprendre ses propres  termes « Une légèreté qu’il est trop facile de faire passer pour du courage. » Mais Hessel en rédigeant « Indignez vous ! » a initié malgré lui  un mouvement  qui prend de plus en plus d’ampleur de par le monde.

Ses « groupies « aujourd'hui  se comptent par milliers et parlent toutes les langues , les désespérés de la crise, les  dépossédés de la finance.

Je ne sais pas ce que Beck fera de sa deuxième vie. Lorsqu’il aura remisé ses crampons, qu’il sera trop âgé pour prendre la pose, exhiber ses muscles et ses  tatouages. Qu’il ne saura plus trop quoi faire pour dépenser son argent.

Je lui souhaite alors  sincèrement de la jouer  comme Hessel, de s’indigner même modérément, de s’engager  à sa façon pour que les trajectoires du monde soient plus harmonieuses comme le ballon qu’il  a caressé si  adroitement de son pied droit.

Ce jour là,  s’il arrive, à l’aube de sa vie  Beckham aura droit  à la « standing ovation »  des foules reconnaissantes, muettes et invisibles. Celle qui a salué  la gorge serrée, la sortie discrète d’un attaquant de grande classe. Stéphane Hessel.