Quelle sera la personnalité de l’année 2010 ? Le quotidien « Le Parisien livre une liste de 12 noms à la sagacité de ses lecteurs. Pas un seul homme politique et un seul scientifique, le professeur Lantieri auteur de la première greffe totale du visage. Pour le reste le sport dispute la vedette au Show Biz. On pourra toujours s’inquiéter de la santé d’une société qui privilégie à ce point le futile et l’éphémère, mais mon propos n’est pas là. Puisque l’on évoque le visage et la greffe, a t-on déjà oublié celui de Jason Lamy Chappuis ?
Pourquoi la greffe avec l’opinion n’a-t-elle pas prise ? Le champion olympique du combiné nordique, cet hiver à Vancouver avait pourtant en prime time crevé l’écran. Dominateur, humble et disponible. Beau garçon aussi. Toutes les qualités requises pour s’installer durablement dans la notoriété malgré la confidentialité de sa discipline. Las à l’heure des lauriers, plus de trace de Jason. Il vient pourtant de débuter sa saison en Finlande comme il l’avait terminée, par une victoire. A l’évidence cela ne suffit pas. En France le champion est dépendant de l’aura médiatique et de l’impact économique de sa discipline. Comment expliquer autrement la nomination de Laurent Blanc ? Certes l’homme n’est pas dénué de charisme et de potentialités mais pour l’heure aussi bien à la tête des Girondins de Bordeaux que de l’équipe de France, on ne peut le créditer d’exploits retentissants. Sébastien Loeb, sept fois sacré champion du monde de rallye, lui aussi nominé, semble plus légitime, tout comme Camille Lacour le nageur ou Christophe Lemaître l’athlète qui ont marqué les esprits en Europe cet été.
Mais Jason n’aurait-il pas mérité de figurer aussi sur cette liste ? Combien de toisons d’or devra t-il aller conquérir en Colchide ou ailleurs au prix d’exploits surhumains pour accéder enfin automatiquement à cette reconnaissance ? Jason laisse pour l’heure les foules indifférentes comme Vincent Jay le biathlète champion olympique voué aux oubliettes. Et pourtant que de bonheur à fréquenter ces authentiques champions éduqués à la mode d’antan. On se croirait revenus 20 ans en arrière quand journalistes et athlètes pouvaient partager la même table et converser sereinement, sans baladeurs, consoles ou intermédiaires. « Est ce que le spectacle vous a plus ? » Me demanda naïvement Jason le lendemain de son sacre lorsque je le conviai en plateau afin de faire plus ample connaissance. J’en avais les larmes aux yeux. J’avais d’un seul coup rajeuni de près de 30 ans. J’étais à Barcelone. Marie Jo venait de s’imposer sur 400 mètres. J’étais un homme béat et heureux, tout bêtement.