Si l’on en croit Michel Platini expert en matière de balle ronde, le footballeur est devenu un produit de consommation. (L’Equipe du 28 août).
Le président de l’UEFA déclare notamment. « Aujourd’hui le footballeur est devenu un mec que l’on doit transférer. Car derrière, il y a des commissions. Et tout le monde gagne de l’argent. »
Si l’on accrédite cette thèse, le produit footballeur est alors à envisager comme un avatar de l’industrie du luxe. Les tarifs exigés pour satisfaire une offre de transfert sont pour le moins astronomiques. 100 millions d’euros pour le seul Gareth Bale pour parapher un aller simple entre Londres et Madrid , deux places fortes du ballon rond.
La réaction épidermique que ces sommes insensées génèrent semble accréditer l’analyse platinienne. Dans l'imaginaire collectif, la perception d’un produit de luxe oscille toujours entre attirance et réprobation.
Le bras de fer qui oppose Lille et Marseille deux acteurs économiques de taille moyenne à l’échelle européenne illustre parfaitement ce paradoxe consumériste. Florian Thauvin, l’un des footballeurs français sacré récemment champion du monde, se retrouve au centre d’une négociation serrée. Acquis par Lille, prêté quelque temps à Bastia, le jeune talent de 20 ans est désormais convoité par Marseille.
Le feuilleton Thauvin contient tous les ingrédients indispensables à l’attraction qui accompagne ce qui est estampillé luxueux. Voilà un gamin prometteur proposé subitement en tête de gondole d’un mercato assez chiche en dehors des emplettes réalisées par les très grosses écuries hexagonales.
L’offre de Marseille, dans un premier temps, a été réajustée de 5,5 millions à 8 millions plus 2 de bonus. Insuffisant pour Lille qui laisse toutefois la porte des négociations entre ouverte à une offre qualifiée de « démesurée » qu’il conviendra le moment venu de chiffrer entre les parties concernées.
Les médias spécialisés fournissent gracieusement la publicité nécessaire à la labellisation d'un produit de luxe. Deux pleines pages dans l’exemplaire de l’Equipe du 28 août.
Ce qui est luxueux doit être beau ou rare. Il incarne à lui seul la réussite matérielle. Le produit doitpour susciter l’envie faire l’objet d’une lisibilité importante. Pendant ce temps- là, les agents et les dirigeants s’affairent en coulisses.
Dernier rebondissement en date. Le joueur décide de sécher la séance d’entraînement du club propriétaire . On peut raisonnablement penser que la rupture de stock momentanée du produit Thauvin dans la vitrine du LOSC , n’est pas de son fait mais de ceux qui dans l’ombre visent la rentabilité maximale d’une transaction annoncée. Quittepour un temps à troubler l’image de leur produit d’appel. Maisdans ce cas encore, il s’agit de l’une des constantes de l’économie du luxe que de générer en plus de l’attirance, une certaine forme de réprobation morale liée à l'usage des biens et à la pratique de l'ostentation.
Gageons que Florian saura rapidement sur le terrain se refaire une virginité picturale. Quantaux intermédiaires qui se réjouissent à l’avance d’un transfert juteux à deux chiffres, ils peuvent remercier les médias d’avoir pris à leur charge les coûts de communication et de marketing indissociablesdu commerce des produits de luxe.
On souhaite enfin bien du courage à Michel Platini qui n’a pas perdu espoir d’inverser la donne en redéfinissant la notion d’appartenance d’un joueur à son club. Il faudrait pour cela que ce dernier redevienne un être humain libre et responsable, déconnecté des lois impitoyables d’un marché devenu incontrôlable. Autrement dit, mission impossible !