Le CSA a donc choisi « C Foot » une chaîne 100% football pour relancer son projet de TNT payante. » Une chaîne innovante susceptible de rassembler un large public. » A commenté sobrement Michel Boyon le président du conseil supérieur de l’audiovisuel, aussitôt relayé par Frédéric Thiriez le patron de la ligue professionnelle qui pilote le dossier. » Elle sera le point de ralliement de toute la famille du football. » Deux affirmations qu’il convient à mon sens de nuancer. Dans quelle mesure peut-on vraiment parler d’innovation ? Le football et la télévision constitue une vieille association qui perdure quitte à frôler l’overdose.
Pour peu qu’il ait accepté le système de péage désormais généralisé, l’accroc au ballon ne rate aucun épisode des feuilletons-championnats diffusés de part le monde. Ligue 1 et Bundesliga proposés sur Orange. Angleterre, Espagne et Italie sur Canal. Et d’autres robinets de diffusion, s’il en était besoin, pour compléter cette offre dithyrambique. Pour ne rien rater de ce qui se passe au Portugal, en Ecosse ou en Amérique du Sud. Innover pour l’heure se limite à élargir les frontières et les soirées d’une semaine ne suffisent plus pour absorber le trop plein de retransmissions. Le foot affronte le foot ! Seule France Télévisions avec les Coupe de France et de la ligue, propose toujours une exposition gratuite du sport roi sur une chaîne hertzienne.
Le ballon est toujours considéré donc un juteux produit d’appel pour muscler une programmation et séduire des abonnés. Rien de très neuf par conséquent. « C foot » mitonne simplement cette recette à l’extrême. Officiellement dans la corbeille, la nouvelle chaîne proposera des rencontres de Ligue 2 en direct .Concernant la ligue 1 et la coupe de la ligue, elle se contentera d’un simple traitement en différé. Pas de quoi titiller le zappeur frénétique ! Quant à rassembler la grande famille du ballon, cette déclaration d’intention reste suffisamment vague pour englober tous les possibles. La ligue se cantonnera telle au seul domaine du divertissement ou abordera telle des problématiques moins flashy mais tellement plus cruciales comme la formation et l’éducation grâce au foot ?
L’essentiel évidemment est ailleurs et comme toujours il s’agit d’une histoire de gros sous. Au moment où Orange qui débourse 203 millions d’euros par an, a décidé de se désengager, où les audiences des rencontres de ligue 1 se tassent sur Canal, il est urgent que la ligue reprenne la main et propose une alternative de choc à l’occasion de la renégociation des contrats. Brandir la menace « C Foot » doit en principe permettre de consolider le montant de l’enveloppe globale regroupant l’ensemble des droits de diffusion des rencontres de Ligue 1, puisque Canal se refuse par avance à surenchérir par rapport aux 465 millions d’euros versé annuellement. Or l’argent versé par les diffuseurs représente, on le sait, une manne vitale pour l’équilibre financier des clubs.
Mais si l’expérience à venir est au bout du compte innovante, c’est qu’elle ouvrira en terme de diffusion une ère nouvelle. Une ligue professionnelle pour la première fois en France se trouvera en mesure de maîtriser toutes les étapes de la production d’un spectacle sportif de sa conception à sa mise à l’antenne. Une tentation qui pourrait bientôt faire des émules en cas de succès au sein des sports générateurs d’audience. On imagine sans peine à l’avenir une chaîne temporaire dédiée au Tour de France ou à Roland Garros, nourries des images produites et contrôlées par ASO ou la FFT, les organisateurs de l’évènement. Le divorce avec le sport amateur et le journalisme à l’ancienne serait alors clairement consommé. Faut-il réellement se réjouir de cette avancée lorsqu’on imagine déjà derrière ces projets poindre leur lot de dérives ?