Attachés à débattre sur le fond, on a sans doute par trop négligé la forme. Dans l’affaire des quotas, quelques pistes restent étrangement inexplorées. Quelques questions qui risquent fort de rester sans réponses.
Qui au sein de la FFF a décidé de transmettre l’enregistrement de la réunion de la DTN ? (Puisque son auteur Mohamed Belkacemi l’a immédiatement transmis à sa hiérarchie).
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour dévoiler le pot aux roses ? (La réunion en question s’est déroulée le 8 novembre dernier !)
Pourquoi avoir choisi Médiapart (un site d’infos sur le net très marqué à gauche) pour faire exploser cette bombe, plutôt que les médias traditionnels sollicités d’ordinaire, l’Equipe, le Monde, le Canard enchaîné ou une chaîne de télé ? D’autant plus que le milieu du foot professionnel est considéré comme étant plutôt conservateur ?
En d’autres termes, ne s’agit-il pas d’une vaste manipulation ?
On en revient toujours à la case départ. A qui profite le crime ?
Pas à ceux qui dirigent le football de toute évidence. N’oublions tout de même pas que nous sommes entrés en campagne électorale et pas seulement pour ce qui concerne la FFF. Peut être alors est-il nécessaire de revenir aux sources.
Tout commence à Knysna, dans l’autobus de la honte. «Mme Bachelot (Alors en charge des sports au sein du gouvernement) est venue nous tenir un discours » Témoignait à l’époque Abidal. Franchement, après ça je me suis dit: "C'est une vraie supportrice de l'équipe de France. Elle adore les Bleus". Elle est rentrée en France et à la l'Assemblée nationale elle nous a enfoncés, traités de caïds, d’immatures. Pourquoi son discours a-t-il changé en 48 heures? Dites le nous en face. Elle avait peur de quoi? Elle avait des gardes du corps! On n'est pas des tueurs!" Concluait à l'époque le défenseur de Barcelone.
Le sociologue Stéphane Béaud l’auteur de « Traîtres à la nation » pousse plus loin dans l’analyse. « Il suffit de regarder les encadrés de l’équipe ou d’autres journaux de l’époque. Durant les quinze jours qui sont suivi la grève de l’entrainement à Knysna, on a cherché les « meneurs ». Et les meneurs désignés étaient tous Noirs (sauf Ribery, converti à l’islam). Sommairement on a dit ou laissé entendre : « les meneurs viennent de là, de la banlieue ». Et pour beaucoup, banlieue = Noirs= Arabes. Et les politiques se sont engouffrés dans la brèche, avec un langage codé. Quand Roselyne Bachelot oppose, dans son fameux discours à l’Assemblée nationale, les « caïds immatures » aux « gamins apeurés » (sous-entendu « Suivez mon regard… »), Elle emploie un langage qui non seulement caresse dans le sens du poil une certaine opinion mais qui fait aussi peser de fortes suspicions de déloyauté nationale sur ce groupe des enfants d’immigrés : à mes yeux, c’est grave et sans puissants effets symboliques et politiques. C’est le rôle des chercheurs en sciences sociales de montrer, preuves à l’appui, la fausseté de telles assertions… »
C’est Chantal Jouanno, la ministre des sports en exercice qui manifestement a été mandatée pour exprimer sur le sujet la position du pouvoir exécutif. Elle a depuis le début de l’affaire fait montre d’une grande fermeté. «Je prends l'affaire avec beaucoup de gravité et autant d'objectivité que possible. Si réellement il y a eu des quotas pour les binationaux, on est sur un délit puni par la loi de 2001, a rappelé la ministre des Sports. Cela a toujours été dans notre tradition de former des joueurs pour d'autres pays. Cela participe au rayonnement de notre école de formation. Que serait l'équipe de France sans les binationaux ? »
Un discours que n’aurait sans doute pas désavoué ni Rama Yade, ni Fadela Amara et qui se démarque singulièrement de celui tenu par Madame Bachelot après la débâcle des bleus en Afrique du Sud.
Laurent Blanc pris un instant dans la tourmente est en passe d’être dédouané. France 98 un moment déchiré, fait corps à ses côtés. Un consensus large dans l’opinion se dégage pour qu’il demeure aux commandes de l’équipe de France.
S’il y a sanctions, elles interviendront au niveau de la DTN, voire des têtes pensantes de la fédération à l’issue d’élections prochaines.
Et finalement si tout ce tohu-bohu footballistique n’était qu’une action initiée pour élargir une assiette électorale singulièrement anémiée par les dérapages identitaires récents ? Car pour espérer triompher aux présidentielles, tout candidat sait bien qu’il lui faudra d’abord remporter la bataille du centre.