Que restera t-il de cette finale de coupe de France outre la liesse des supporters lillois, l’amertume des parisiens ? Pas grand-chose d’autre en vérité, tant au plan du spectacle, la montagne annoncée accoucha d’une souris.
On nous promettait une rencontre riche en actions de classe disputée entre deux formations réputées joueuses. On s’ennuya ferme devant cette séance de tableau noir. Oublié les bonnes intentions, priorité à la tactique et à l’intimidation.
Coupet au bout de l’ennui commit l’irréparable à une minute seulement de la fin, épargnant aux adeptes du beau jeu une prolongation inutile. Le penalty qu’il détourna dans la foulée ne changea rien à l’histoire.
Seule la victoire était belle. Ce fut un vrai match de supporters. Et tant pis pour Makelele et Coupet qui auraient pour l’ensemble de leur oeuvre, mérité une sortie plus en rapport avec leur flamboyante carrière. Mais le football à l’image de la société rechigne désormais à regarder en arrière.
Tous les ingrédients étaient pourtant réunis pour que la fête soit au rendez-vous. La pelouse était impeccable, le fond de l’air idéalement frais, les formations alignées au complet. Le speaker consciencieusement chauffait ses ouailles. Les insultes volaient bas, les « Enc… » traversant la pelouse d’un virage à l’autre. Profitant d’une accalmie les « Paris est magique ! » répondaient aux « Nous sommes les lillois et nous allons gagner ! »
Fernand Duchaussoy, le président de la FFF, à qui revenait, avant match, le pensum de se faire présenter les équipes, fut le seul à faire l’unanimité contre lui. Il essuya une bronca de circonstance. Il payait sa gestion calamiteuse dans l’affaire des quotas.
Bref l’intérêt de cette journée passée au Stade de France se situait en amont, en début d’après midi, quand la cathédrale résonnait encore comme une coquille vide. Des gamins âgés de 17 à 19 ans venus de St Etienne et de Monaco s’apprêtaient à disputer dans l’enceinte prestigieuse et apaisée, la finale de la coupe Gambardella, le trophée de tous leurs espoirs.
Plus de questions de quotas et de bi nationalités, mais d'un groupe de jeunes gens concentrés et intimidés au moment de tutoyer leur rêve. Il n’était nul besoin d’être sociologue pour prendre conscience de la formidable puissance d’intégration que représentait, par cet échantillon, la pratique du football.
Tandis que les gamins s’échauffaient, j’échangeais quelques mots avec l’éducateur des verts Abdel Bouhazama. Son discours semblait fort éloigné des préoccupations de ses collègues officiant à l’échelon supérieur, obnubilé par le seul résultat.
L’essentiel était d’abord de préparer ses jeunes à devenir des adultes responsables. Combien par la suite évolueraient en Ligue 1 ? Quatre ou cinq au maximum ! Les autres grâce au football auraient acquis maturité et rigueur, autant d’atouts précieux pour espérer réussir une vie d’homme. Les études étaient indissociables de la formation. Abdel était fier du pourcentage de réussite au bac de ses protégés, même s’il reconnaissait que la tâche s’annonçait de plus en plus délicate.
Les exemples venus d’en haut , par trop médiatisés, la pression toujours plus forte des parents, l’omniprésence des agents qui n’hésitaient pas à garnir leur portefeuilles de recrues de plus en plus juvéniles, en leur vendant du vent .
Comment baliser dans ces conditions l’imaginaire et l’appétit de si jeunes gens lorsque d’autres clubs aux aguets étaient prêts à tout pour les séduire ? St Etienne par exemple contraint de faire signer un contrat pro à son défenseur central Kurt Zouma né en 1994, pour éviter qu’il ne s’engage prématurément avec un club anglais. Fallait-il alors qu’il ait la tête sur les épaules, le gamin, pour pouvoir digerer tout cela !
La finale au début sembla verrouillée. La jeunesse répétait ses gammes comme des professionnels. Il n’y avait guère de place pour l’audace et la création. Labor le monégasque profita d’une faute d’inattention de la défense stéphanoise pour ouvrir la marque. » Je m’étais fait tant de films dans ma tête ! » Avoua t-il à la pause.
Abdel, l’éducateur stéphanois sut trouver les mots justes dans le vestiaire. » Lâchez-vous maintenant pour ne rien regretter ensuite ! » Et les gamins tounrèrent le dos au conformisme pour prendre enfin du plaisir dans le stade de France qui se remplissait peu à peu. Souline, le milieu stéphanois d’un tir subtil de 35 mètres parvint sur le tard à égaliser. Makengo, l’avant centre monégasque, qui avait rejoint le banc, s’en voulait d’avoir manquer deux occases, d’avoir mis ainsi son équipe dominatrice dans l’embarras.
La victoire hésita longtemps avant de choisir son camp, lors de la séance des penalties. Monaco exulta et St Etienne éclata en sanglots. Mais évidemment l’essentiel était ailleurs, dans le comportement exemplaire de ces gamins issus de la France plurielle, dans les objectifs clairement affichés par leurs éducateurs de l’ombre. Tout ce qui faisait en définitive la vraie richesse du football.
François Ciccolini, le coach de Monaco ne déclarait-il pas à la fin de la partie reportée par son équipe « Cela valide le travail effectué depuis quelques années, tant au niveau du recrutement que dans le travail. Cela met en valeurs beaucoup de personnes qui travaillent dans l’ombre. L’important, ce n’est pas que l’entraîneur gagne mais que ces gamins s’épanouissent et qu’ils aillent le plus loin possible. »