Heureux tennis qui peut s’enorgueillir d’exhiber dans sa vitrine un tel trident.
Roger, Rafa, Nole. J’ai beau fouillé dans ma mémoire, je ne souviens pas qu’un autre sport à ce point professionnalisé ait pu s’offrir une telle triplette techniquement et surtout si humainement accomplie.
Mac Enroe était réputé pour ses colères homériques. Connors pour son caractère difficile. Borg pour son mutisme. Becker et Agassi n’étaient pas non plus d’un abord facile. Ils étaient tous d’incontestables champions mais leur statut de stars les rendait inaccessibles au grand public.
Aujourd’hui le tennis pratiqué par ses élites est juste d’un niveau incroyable. Je garde en mémoire ce point dantesque remporté par Federer d’un passing de revers long de ligne, venu d’ailleurs, alors que Djokovic venait par deux fois de sortir le suisse irrémédiablement du cours par ses phénoménaux coups droits croisés.
L’intensité des échanges, la puissance des coups frappés, illustrent parfaitement l’ère du tennis total dans laquelle nous sommes entrés de plain pied. Mais ce n’est pas évidemment pour l’essentiel, ce qui motive cette chronique.
Les propos tenus par Roger au micro de Cédric Pioline, sitôt sa partie contre Nole achevée, l’hommage rendu au serbe invincible, l’adversaire grâce auquel un tel instant de magie a pu s’accomplir, tous ces mots livrés au public à chaud sont ceux d’un génie qui se serait enfin réconcilié avec les hommes. La star dans ce cas, ne se contente pas se poser pour la postérité, de gravir des marches sur lesquelles des affidés ont déroulé le tapis rouge. Elle se sert de son art à des fins de pédagogie, pour diffuser un discours où le vainqueur partage forcément sa victoire avec celui qui l’a rendu possible. Le vaincu sans lequel il n’est rien.
Rafa ne se comporte pas autrement chose lorsqu’il efface de sa semelle une trace qui lui aurait offert une balle de break face à Murray. Quant à Nole dont Roger en quatre sets a brisé le rêve, il a applaudit respectueusement tous ces points venus d’ailleurs et s’est contenté d’un petit sourire admiratif lorsque la cause était entendue.
Pas de crise de nerfs, de jets de raquettes, de public harangué. Roger, Rafa et Nole ont par leur grandeur d’âme ont habillé subitement le tennis d’une exigence éthique ignorée par toutes les autres disciplines professionnelles. A l’heure où le sport demeure l’une des rares passerelles empruntées par toute la planète sans trop de risques d’ostracisme ou de stigmatisation, il serait bon que d’autres Roger, renoncent à leur statut de diva, pour perpétuer son oeuvre.