Le sable pour compagnon de route

  Lever 4 heures. Au départ de la spéciale à 5 heures trente. La fatigue s’accumule mais le moral ne baisse pas. Pour gagner du temps, donc de l’efficacité, le ptit déj’ est servi au bord de la Panaméricaine, entre Pacifique et désert. Café expresso, s’il vous plaît, la machine est installée sur une caisse à l’arrière d’une voiture. Deux Pannetone sont découpés sur la ridelle d’une autre voiture. Il fait un peu brumeux, 11 degrés seulement. Fin du café-gateau à 6 heures .                            La journée s’annonce copieuse.Au programme 237 km de Tacana (petit village au départ de la spéciale) à Nazca, célèbre pour ses pétroglyphes, dont le mystère reste à ce jour intact.

 Après avoir abandonné l’idée du tracé initial (voir article d’hier), David Castera nous a dévoilé son plan B : faire décrire un fer à cheval de 40km à la caravane du rallye avant d’attaquer un véritable petit erg le long de la Panam’.

Cette première difficulté d’une quinzaine de km va se transformer en premier calvaire : 18 secondes après être entré dans le cordon, Fontenay se « pose ». Imité dans la même minute par Castera, 200 mètres devant lui. A nous de les suivre : même beaucoup plus méfiants, il nous suffira de 3 minutes pour être stoppés net.

« C’est vrai qu’on dirait un peu certains endroits qu’on trouve en Tunisie. Mais là, franchement, c’est bien plus mal rangé ». Jean-Pierre Fontenay a toujours le sens de la formule. Sa déclaration, sybilline mais imagée résume parfaitement le combat mené contre ce tronçon de sable, vaincu en… une heure trente.

 Après les pâtés de sable : la plage. Au sortir des dunes, notre convoi fonce plein ouest et atterrit au bord des vagues du pacifique. A droite toute, 30 km de plaisir pur. A peine quelques ondulations et un sable un peu collant à signaler. Rien de bien méchant. David Castera ne peut s’empêcher de faire des gerbes d’eau sous le regard  indifférent de quelques pêcheurs rencontrés tous les 2 ou 3 km. Dans les radios installées à bord, tous ne peuvent s’empêcher d’évoquer les temps révolus des arrivées au Sénégal et de la traditionnelle arrivée sur la plage longeant le lac rose.

La plus grande différence étant, finalement, que dans l’hémisphère sud, les vagues sont à gauche des portières.

 La suite de l’étape 12 est un  peu plus classique : une série de plateaux sablonneux, roulants, hors piste ; choses déjà vues, dans l’Atacama notamment, mais qui ici ont valeur de transition vers d’autres dunes.

 Km 180. La pente se fait plus marquée. Le sol passe du gris brun à l’ocre puis à un jaune orangé plus marqué encore par la lumière du soleil déclinant. Nous voici dans un cordon, des vallées, des montées, des descentes de sable intégral où tout va nous arriver.

                                                   Enlisement partiel, ensablement total, croisement de pont, les quatre roues qui tournent dans le vide au sommet d’une crête, et même (en dessert, si je puis dire) le déjantage !

 Je ne compte plus le nombre de fois où l’un a dû sortir la sangle pour extraire l’autre de sa trappe.

 Chaque pilote a été happé, parfois englouti au creux d’une cuvette, dans une montée et même sur un à-plat espéré comme refuge.

Le parfait manuel des galères dans les dunes déroulé pendant deux heures comme un road book qui s’envolerait dans la brise du Pacifique tout proche.

 Soyons précis : 2 h30 pour 20km de franchissement pur. Des dunes un peu plus lisibles que celle de ce matin mais toujours ce sable sournois, tantôt porteur tantôt engloutissant. Quasi impossible à apprivoiser.

Au point même qu’il nous a invités à dormir sur lui.

Ce soir le campement est à 7km de l’arrivée. Une heure de bataille encore, peut-être plus.

Alors Castera a pris la sage décision de stopper ici. A 1500m d’altitude. Tête dans les étoiles et lit de sable… Enviez-nous. Nous sommes heureux d’être fatigués.

Publié par Jean-Francois Kerckaert / Catégories : Dakar 2012