Le foot en dissidence ?

Exit les «  On prend les matches les uns derrière les autres ! » « L’important ce soir c’était de prendre les trois points » ? Quitte à conjuguer dans des phrases-clichés, le verbe « prendre » à toutes les sauces,  autant que ce le soit pour faire entendre sa voix et dépasser les limites exiguës d’un terrain de football.  Les stars du ballon ont tendance à s’affranchir des robinets d’eau tiède ces derniers temps.  Courant octobre, Cantona avait ouvert les vannes dans les colonnes de « Presse Océan » en suggérant de saper le capitalisme à sa base en retirant en masse l’argent déposé dans les banques. Son appel hormis un buzz remarqué sur Facebook, n’a pas été suivi d’effet. Les démarches pour solder un compte en banque s’avèrent compliquées et le discours très » Robin des Bois » de l’irascible mancunien s’est heurté à la transparence et à la mémoire de la toile. La pub que sa compagne a tournée pour le Crédit Lyonnais lui est revenue en pleine face comme un boomerang.

Pas toujours évident pour les privilégiés de la vie de mettre en adéquation leur discours et leurs actes. Je conserve pour ma part, pour l’avoir côtoyé lors de la coupe du monde 1994,   le souvenir d’un Canto toute en contradiction,  à la fois attendrissant et insupportable. Capable de tous les excès, de tous les grands écarts. Il formait à l’époque pour la chaîne un tandem de choc avec Didier Roustan. Je me souviens en tribune de presse d’une altercation sévère avec la police qui demandait à Canto de présenter comme tout le monde son accréditation. » Tu es qui pour me parler comme cela ? » Avait-il répondu en substance à son interlocuteur avant de finir au poste pour un contrôle d’identité. La force de Cantona  résidait dans l’outrance, tant sur qu’en dehors du terrain. Manifestement il n’a pas changé même si aux dernières nouvelles, Eric le Rouge s’est contenté en cette journée révolutionnaire de transférer un pactole de 750000 euros d’une banque vers une autre. Les fondements du  système capitalisme en tremblent encore.

Nicolas Anelka contraint comme Canto de s’expatrier en Angleterre pour exercer son métier, règle ses comptes dans le dernier numéro des Inrocks. Celui par qui le scandale est arrivé en Afrique du Sud, après un trop long silence,  exprime son mal être vis-à-vis de la France. « C’est surtout le fait d’être le premier joueur à venir de la cité et à avoir une Ferrari qui donne mal à la tête aux gens… En équipe de France, je n’ai jamais voulu chanter La Marseillaise, ça ne m’est jamais venu à l’idée. Et si on m’avait demandé de le faire, j’aurais refusé, j’aurais quitté l’équipe. »  Pas de provocations au sens « Cantona » du terme mais un désamour profond qui suscite le malaise. L’avant centre de Chelsea se sent  particulièrement visé parce qu’il est noir et musulman. La fracture Anelka qui semble  profonde trouvera forcément un large écho dans les banlieues, parmi ceux qui se sentent victimes du même ostracisme mais ne disposent pas des moyens financiers  pour le dépasser. Il ne s’agit plus cette fois des avatars du système capitalisme mais de l’effritement  des structures sociales en France. « Liberté- Egalité- fraternité »  Le principal pivot de la rhétorique républicaine vacille.

S’il en était besoin c’est Michel Platini himself,  qui enfonce le clou. L’ancien meneur  de jeu génial des bleus apporte dans une interview accordée au mensuel So Foot un soutien inattendu à Anelka. «  Moi, la marseillaise je ne l’ai jamais chantée et pourtant j’aime la France. C’est un hymne guerrier qui n’a rien à voir avec le jeu. » Platoche ne mâche pas ses mots  non plus pour qualifier l’attitude des  mutins muets  de Knysma confinés dans leur bus. » C’est des nuls, des cons… » Qui trouvera grâce désormais aux yeux  du patron de l’UEFA ? Les footballeurs qui s’aventurent sur le terrain des politiques au risque de déraper ou ceux qui commodément se réfugient derrières les clichés à deux balles ?

Publié par pmontel / Catégories : Football