La coupe et la Cup. Rien à voir ?

Durant ce week end historique, je me suis offert en contre point une ballade bucolique dans le football à l’ancienne, au cœur de l’Angleterre profonde précisément où se déroulait le troisième tour de la  FA Cup, le pendant so british de la coupe de France.

Un premier crochet par Sheffield dans le Yorkshire. On pénètre dans Brammal Lane comme dans une église par d’étroits couloirs, des escaliers en colimaçon. La vénérable enceinte reste le plus vieil endroit au monde où l’on pratique le football en professionnel. La rouille et les lézardes  qui ont pris possession des lieux, rongent inexorablement les lames (The Blades : Le nom de guerre de l’équipe première) en acier trempé qui ont fait la réputation de la ville toute acquise à la coutellerie. Les fonderies ont pratiquement disparu, délocalisées vers d’autres continents où les coûts de production sont plus compétitifs. Le football à Sheffield s’échappe irrésistiblement. Les Blades à l’agonie en deuxième division flirtent avec la drop zone, celle qui à la fin de la saison promet l’enfer. Mais on oublie tout un jour de  Cup et la réception des caïds d’Aston Villa venus en autocar de Birmingham distant d’une centaine de miles, garantit l’ambiance des grands soirs. Pour les claret and blue, le test aussi est d’importance. Gérard Houiller le mentor des Villans, le visage froissé,  affiche sans gêne sa lassitude comme si la récente défaite à domicile contre Sunderland avait déjà scellé son destin. La nouvelle est tombée. Hogdson le coach de Liverpool vient  tout juste d’être remercié. Houiller sera sans doute le prochain sur la liste des stars déchues. Robert Pires qu’il a fait venir d’Espagne s’épanche dans la presse à scandales. Il se plaint d’être snobé par le patron, de n’avoir que trop peu de temps de jeu pour faire ses preuves. Qu’à cela ne tienne il sera titulaire contre Sheffield et constatera par lui-même que ses vieilles giboles ne peuvent plus réaliser de miracles. L’affaire est néanmoins vite pliée. Kyle Walker qui a passé toute son enfance à Sheffield douche l’atmosphère en passant en revue  la défense apathique des Blades. Son père et sa mère en tribunes, fervents supporters des lames jadis si fines,  ne savent plus trop quelle attitude adopter. Le gamin sur la pelouse détrempée se contente du minimum, la tête baissée, tandis que ses coéquipiers lui assènent de grandes tapes dans le dos. Si les fonderies tournaient encore, nulle doute que Kyle  porterait la tunique rouge et blanche et qu’il s’accorderait un tour d’honneur. Au plus profond de l’Angleterre l’amour du maillot a encore un sens.

Aston Villa s’est finalement imposé 3 à 1 à Brammal Lane. Houiller, grâce à la Cup, reste en sursis jusqu’au prochain match. Il a l’air content de nous saluer, d’échanger quelques banalités avec des compatriotes. Dans les moments de doute, descendu de son piédestal, l’homme redevient humain.

Le lendemain direction Leicester. Les renards, 12ème au classement de la deuxième division accueillent les milliardaires de Manchester City. Si les rues de Leicester sont aussi grises et désespérées que celles de Sheffield, le club des Foxes revendique une modernité qui incite à l’optimisme. Toutes les composantes semblent réunies pour rejoindre très vite l’élite du ballon rond en première league. Un stade flambant neuf de plus de 30000 places, un merchandising de pointe et un entraîneur de renom. Le suédois Sven Goran Ericsson qui a dirigé l’équipe d’Angleterre et quelques uns des ténors européens. Pour l’heure le gourou de Leicester demeure invisible. C’est Roberto Mancini son successeur à Manchester qui occupe tout l’espace. Le latin lover en costume gris d’alpaga, une écharpe de supporter négligemment nouée autour du cou, prend la pose et signe des autographes au bord de la pelouse. Mancini qui  comme joueur a passé un mois dans les Midlands, jure  avoir conservé un souvenir ému de son court séjour.

Les citizen à l’échauffement récoltent des murmures approbateurs. Mancini a convoqué  la terreur argentine Tevez et confié à Patrick Viera, peu utilisé en championnat,  les clés du milieu de terrain. A l’instant du coup d’envoi, plus une place disponible dans le stade. Frissons garantis. Pas de banderoles ou de slogans vengeurs. Si les supporters des deux camps se défient, c’est à coup de chants entonnés à gorges déployées. Je sais déjà que je reviendrai un jour dans les Midlands en simple spectateur, me laisser bercer par ces refrains,  humer le parfum des virages.

D’entrée Manchester met un genou à terre. Un gamin inconnu, Sol Bamba sur corner plante une tête hors de portée de Joe Hart, le gardien de la sélection nationale. Renseignement pris le gamin, qui est né en Côte d’Ivoire,  est passé par le 9-3 et a fait ses classes au PSG. Après un séjour en Ecosse à Hibernians, il débarque à Leicester. Sol c’est le dernier pied de nez d’Ericsson que Mancini goûte modérément. Le public en liesse célèbre cette Cup insolente qui quelquefois ne respecte pas le pouvoir de l’argent. City malmené s’en remet à son buteur providentiel Tevez pour revenir à hauteur et Mancini au bout du compte est tout heureux de s’en tirer avec un match nul. Au coup de sifflet final Sol Bamba tombe dans les bras de son idole Kolo Touré, l’un des plus gros salaires de Manchester, ivoirien lui aussi. J’ai envie d’y voir comme un signe d’espoir pour un pays au bord de la guerre civile.

Le public demeure encore de longues minutes debout dans le Walker Stadium pour acclamer ses Foxes. Demain le quotidien reprendra ses droits. La route vers la gloire passera par la réception en championnat des besogneux de  Millwall  et le stade à cette occasion fera quasiment le plein.

 

Publié par pmontel / Catégories : Football