« Ah vous vous réveillez enfin ? « Constataient avec amertume les supporters les concernés par le parcours des tricolores, plutôt que de s’en tenir à la féerie de l’instant. Ils justifiaient leur courroux par un argument massu. Près de 7 millions et demi de téléspectateurs n’avaient-ils pas assisté à ce feu d’artifice ? (5,5 millions sur France 2, 1,8 sur Canal qui bénéficiait d’ailleurs pour l’occasion d’une exposition en clair.)
Ce que la plupart ignoraient vraisemblablement c’est que la disposition légale qui oblige une chaîne cryptée détentrice des droits de diffusion, à autoriser moyennant finances une télévision gratuite concurrente à relayer l’évènement, ne concerne que la finale à condition toutefois que la France y participe. Rien n’obligeait par conséquent Canal à vendre à France Télévisions la demi
-finale contre la Suède. Voilà pour ce qui est de la lettre.
Quant à l’esprit, il convient également de replacer le championnat dans son contexte. L’équipe de France pour parvenir jusqu’à cette demi finale aura disputé 8 rencontres que le groupe Canal a proposé sur Sport Plus ou Canal plus sport conservant sur son Canal premium sa grille habituelle.
Au moins à deux reprises dans un passé récent, notre actionnaire, l’état, a refusé que le service public dispose d’un canal exclusivement dédié au sport ce qui évidemment aurait coupé court à toutes ces critiques. Comment dès lors s’étonner que la bataille soit inégale dans le cœur des supporters entre une chaîne résolument généraliste et une télévision à péage pouvant s’offrir le luxe de faire monter l’évènement en température ?
Reste pour le handball, ce qui est essentiel, à envisager les retombées d’un tel exploit. La question s’était déjà posée en 1999 lorsque l’équipe de France féminine avait mobilisé une audience comparable en finale des mondiaux face à la Norvège. Hélas, à l’époque rien n’avait bougé ou presque et aujourd’hui encore le championnat de France féminin se déroule dans la confidentialité la plus totale. Malgré les opportunes déclarations d’intention des donneurs de leçon, tout porte à croire que l’issue sera la même pour ce qui est de l’avenir des garçons en compétitions de clubs. Mobiliser la France avec un titre mondial ou olympique et une Marseillaise à la clé est une chose. Pérenniser une pratique sportive à l’antenne par la diffusion d’un feuilleton hebdomadaire, en est une autre. Qui sait seulement que Cesson, St Raphaël, St Cyr ou Tremblay en France sont des clubs évoluant en première division ? Qui est capable de citer ne serait ce qu’un seul joueur appartenant à ces formations ? Et je ne parle pas des structures d’accueil inadaptées pour la plupart à la mise en images de rencontres de haut niveau.
Mais le juge de paix comme toujours se résume à la somme d’argent que les diffuseurs potentiels sont prêts à débourser pour acquérir les droits de la compétition. Et la encore la tendance est à la baisse. Le retrait d’Orange se solderait par un manque à gagner important pour la ligue de handball. France Télévisions et Eurosport ont proposé une enveloppe de 800000 euros annuels contre les 2 millions d’euros alloués par le contrat précédent.
L’heure de plus est aux économies. L’appel d’offre du rugby concernant le Top 14 a subi la même décote, Canal Plus ne proposant que 18 millions d’euros par saison au lieu des 30 précédemment. Une fois l’euphorie de la victoire passée, le marché impose inexorablement sa loi.
Seul le président de la république qui a reçu comme il se devait les experts à l’Elysée, a le pouvoir d’inverser la tendance en décrétant le handball grande cause nationale et en contraignant le service public à se monter plus généreux à son égard. Dans le cas inverse ce sport d’élite sera condamné à patienter jusqu’aux jeux de Londres en 2012.