Duerson souffrait depuis sa retraite en 1993 de lourdes céphalées. Depuis 2007 la NFL s’était enfin résolue à mettre en place une commission spéciale comprenant 6 membres pour recueillir et évaluer les témoignages d'anciens joueurs victimes avant 40 ans de troubles cérébraux sérieux. Duerson était l’un des ces membres.
Le football américain introduit aux Etats Unis à la fin du 19ème siècle reste le sport le plus populaire. Certains fans l’assimilent même abusivement à une religion et tout ce qui l’entoure bénéficie souvent d’une myopie coupable. Les rares statistiques publiées à son sujet sont pourtant alarmantes. Espérance de vie de 47 ans seulement très inférieure au reste de la population. Malgré les protections des articulations, l'impact des chocs entre des joueurs lancés à pleine vitesse est infiniment plus violent que dans les autres sports de contact. Sans compter les ravages occasionnés par le dopage quasiment institutionnalisé.
Une enquête de l'université de Caroline du Nord a montré, en 2007, que 20,2 % des anciens joueurs professionnels souffraient de dépression grave et qu’ils avaient 19 fois plus de risques de contracter une démence précoce que la moyenne des américains.
Duerson ne faisait pas exception à la règle. Dans une ultime interview confession accordée au Chicago Tribune, trois seulement avant son suicide, il livrait un bilan sans concession de l’homme qu’il était devenu. Depuis sa plus tendre enfance, il n’avait jamais envisagé survivre au-delà de 42 ans, l’âge limite à partir duquel selon lui les capacités physiques et intellectuelles d’un homme décroissent. Il ne se concevait vivant qu’au sommet. Tête bien faite, Duerson diplômé de l’Université de Notre Dame n’avait d’ailleurs jamais imaginé faire carrière dans le football. Le benjamin de la famille cherchait seulement par ce biais à affirmer sa personnalité et l’aura des icônes du football US finit par le convaincre de faire carrière au sein de la NFL.
Des travaux universitaires ont montré que la violence qui se perpétuait sur le terrain de jeu permettait aux jeunes américains de se construire et d’attester leur identité masculine à travers une socialisation par le sport, la seule alternative possible à une formation militaire, à une époque où les inquiétudes provoquées par les bouleversements de la société américaine étaient fortes. Duerson témoigne en outre de la force morale qu’il lui a fallu pour sortir du rang.
Du harcèlement raciste dont il a été victime de la part de l’un de ses entraîneurs à Chicago, un certain Buddy Ryan. » Il me répétait sans cesse : Tu ne resteras pas longtemps parmi nous. Tu vas dégager. Je n’aime pas les nègres intelligents ! »
La violence dès lors ne la plus quitté. Sur le terrain mais surtout dans sa vie de tous les jours. Duerson ne se remettra jamais d’avoir perdu l’esprit l’espace de trois secondes pour lever la main sur sa femme. Son cerveau tourmenté accepte mal le fait que la perfection n’est pas de ce monde. Le destin s’en mêle. Il doit faire face aux décès prématurés de ses parents, décédés à quelques années d’intervalle, enterrés tous les deux le jour de son anniversaire sans que cela ne préoccupe réellement ses frères et sœurs si confiants dans sa force tranquille.
Dave Duerson le 17 février dernier a fini par lâcher prise en déconnectant son cœur de son cerveau. L’autopsie froide déterminera quelle responsabilité incombe dans cette tragédie moderne à la pratique du football US au plus haut niveau.