le football et la violence . Le plaisir confisqué !

 Loin de chez nous tout d’abord, la grande peur de Nikola Nikezic l’ancien professionnel du Havre, parti tenter sa chance en deuxième division dans la Russie profonde, à Krasnodar précisément. Nikezic sommé par la force de mettre prématurément un terme au contrat qui le liait avec un club manifestement dirigé par des réseaux mafieux. Deux armoires à glace, revolvers à la ceinture ont fini par le convaincre de signer un document rédigé en cyrillique auquel il ne comprenait que goutte.

Dans la banlieue parisienne ensuite. Hubert Velud l’entraîneur de l’US Créteil qui évolue en National, agressé sur le parking de son domicile  par trois individus cagoulés qui d’après les dépêches lui reprochaient ses choix tactiques après la défaite récemment concédée à Amiens. Velud violemment molesté encore sous le choc. Il n’en est pourtant pas à sa première frayeur puisque en sa qualité d’entraîneur des éperviers du Togo, il se trouvait dans le bus mitraillé lors d’une CAN de sinistre mémoire. Mais c’était la guerre !

Ici on pourrait penser à un mauvais scénario de série B, à un fait divers exceptionnel, aux exactions de forcenés lâchés dans la nature. Il n’en est rien.

Mon confrère  Nicolas Vinoy qui prépare pour Stade 2 un dossier sur cette violence rampante et ordinaire, assiste  dimanches après dimanches à ces dérives insidieuses dans l’anonymat des championnats de districts. Pour que l’on s’en émeuve enfin, il faut que le sommet de la pyramide se trouve sérieusement menacé. Que la gangrène se propage jusqu’aux sphères les plus exposées !

Les responsabilités sont évidemment multiples et un certain nombre d’entre elles n’ont pas grand-chose à voir avec le monde du sport stricto sensu. N’empêche, il est grand temps que les acteurs du football se penchent sur leurs propres responsabilités. Je ne peux en ce qui me concerne que de tenter de balayer un peu devant ma porte.

Lorsque les télévisions ont été privé d’accès aux images compte tenu des droits exorbitants à payer pour avoir le droit de les diffuser, nombre d’entre elles se sont repliées sur les talk show polémiques, façon détournée et plus  économique de ne pas se situer complètement à l’écart du monde du football. D’autres médias depuis se sont engouffrés dans la brèche, histoire de muscler leurs « Prime ».

Certains confrères s’échinent donc à mettre de l’huile sur le feu à l’occasion de vaines tribunes où  la parole est donnée aux supporters des deux camps. Les critiques les plus radicales fusent, les insultes aussi quelquefois. Les joueurs, les arbitres, les dirigeants, tous sont livrés en pâture à la vindicte populaire, passés à la moulinette comme si une seule défaite concédée constituait un crime de lèse majesté. Ces confrères auto intronisés juges et experts libèrent ainsi toute la frustration accumulée pendant une rencontre dans les esprits les plus vulnérables.

L’agression du coach cristolien s’est déroulée à deux pas du stade Dominique Duvauchelle, si cher à mon coeur. Mon ami, alors journaliste sportif  à Antenne 2 avait publié en 1979  un essai intitulé » Le football, la plaisir, la violence » dont certaines phrases concernant la violence ressentie dans un stade restent encore d’une brûlante actualité.

» Mais la haine au sein d’une famille, je ne pouvais y croire. Ma première pulsion fut de quitter le stade…Il fallait mieux s’enfuir plutôt que de cautionner cette barbarie. Ma présence devenait une connivence tacite. Je n’écrirais pas ce papier. Je quitterais ce métier si l’on m’opposait l’alternative. » Puis quelques lignes plus loin. » Ce jour là, j’eus le pressentiment qu’un avenir tragique se préparait…Il faudrait briser la loi du silence et consentir à perdre la confiance des hommes qui satisfont l’implicite et proclamer chaque vérité. »
 

Publié par pmontel / Catégories : Football