La chanson de Taiwo : 12 secondes d’égarement dont il serait irresponsable de minimiser la portée. Un questionnement via facebook pose assez bien les enjeux sociétaux qui se nichent derrière ce fâcheux aparté.
Ceux véhiculés par des supporters purs et durs en premier lieu qu’ils soient de Marseille, du PSG ou d’ailleurs. Tout ce qui touche à leurs couleurs est de l'ordre du sacré, du quasi religieux. Et ce qu’ils absolvent volontiers lorsque l’offense émane de leur église, ils le considèrent comme un casus belli lorsqu’elle fuse de la chapelle d’en face.
«Les marseillais sont à Paris pour enc… le PSG.Il y a des choses plus graves. Et puis le joueur s'est excusé ! C'est bon faut lâcher l'affaire… »
Plus insidieux encore. Lorsqu’une haine absurde et viscérale de l’adversaire constitue le ciment originel d’un groupe.
« C'est la preuve que Taiwo un vrai MARSEILLAIS… » (Et sous entendu qu’il le restera même si le joueur est pressenti comme partant lors du mercato d’été.)
Dans ce théâtre d’ombres, le supporter de base apparaît clairement manipulé. Sa naïveté et sa candeur le condamnent à n’être qu’un consommateur compulsif et captif. Il est quelquefois effarant de constater parmi les ménages les plus modestes l’importance du budget consacrée à leur dévotion au club de leur coeur.
La banalisation de l’invective est en outre un corollaire indispensable à cette manipulation de masse.
» N'importe quel enfant qui est déjà allé voir un match de foot a déjà pu entendre les différents kops chanter "arbitre enc… arbitre enc…" ou bien encore scander des chants insultants pour l'adversaire.. »
Les joueurs bien qu’étant professionnels et grassement rétribués sont complices de ce nivellement de la morale vers le bas.
« Taïwo est juste un imbécile... Il n'a absolument pas conscience de la portée que peut avoir ce qu'il a dit dans ce micro... Avec cette chanson, inconsciemment, parce qu'il est visiblement trop bête pour s'en rendre compte... Taiwo incite à la haine... Pour faire simple il montre le mauvais exemple... Un joueur de foot pour beaucoup de jeunes représente quelqu'un par rapport auquel il faut s’identifier. »
« On forme des footballeurs avant de former des hommes… Tout dans les pieds rien dans le citron, en voilà encore une nouvelle illustration."
Mais le plus dommageable se situe sans hélas un peu plus haut dans l’organigramme du club. L’autorité morale qu’est censée symboliser la présidence se trouve de plus en plus souvent prise en défaut. Le patron du club plutôt que d’apaiser les tensions, monte à l’abordage.
Il critique désormais ouvertement l’arbitrage, se plaint du calendrier, stigmatise sans distinguo tout ce qui peut impacter le nombre de points glanés dans une compétition.
Jean Claude Dassier, assis à la table de stade 2, n’agit pas autrement quand il avoue dans un premier temps ne rien avoir entendu. Puis quand il souligne que 12 secondes ne peuvent à elles seules entacher un spectacle en tout point remarquable. Enfin quand il assure que Taiwo est un chic type et que l’affaire est close depuis que le joueur a présenté ses excuses.
Autrement dit le président absous et banalise sans autre forme de procès et ce faisant il minimise la portée d’une mise en scène qui pour les plus fragiles de ses ouailles, on le sait, constitue, l'acte fondateur de l’attachement à un club. Dans la haine d’autrui.
Teddy Riner, le judoka, quadruple champion du monde, était tout comme le président de l’OM invité de Stade 2, dimanche.
Celui qui apparaît malgré son très jeune âge quasiment invincible dans sa catégorie de poids, soulignait l’importance qu’il y avait à respecter son adversaire. Car le principal danger se nichait, à l’en croire, dans une confiance excessive en soi, dans le leurre qu’il y avait à se sentir au dessus des autres, à l’abri des lois et de la morale sportive.
Pour avoir en tant que papa, accompagné mon fils sur les tatamis en banlieue parisienne, je me souviens avoir été impressionné par le discours de ses éducateurs. Pour que la victoire soit belle, il convenait d’abord de rendre hommage à celui qui l’avait rendue possible. Le combattant adversaire.
Puissent à l'avenir les écoles de football s’inspirer de l’exemple du judo.