La question mérite d’être posée au moment où la Corée du Sud s’apprête à accueillir avec l’organisation des championnats du monde d’athlétisme, l’élite d’une discipline universellement pratiquée.
Daegu, mégalopole de 3 millions d’âmes située dans le sud-est du pays a la réputation d’être la citadelle la plus conservatrice d’un état qui dans ce domaine fait déjà figure de phénomène. N’enseigne t-on pas aux petits coréens dès leur plus jeune âge qu’ils sont issus d’une seule Minjok (Un seul peuple) et même au départ d’un même ancêtre ?
Il en découle un sentiment patriotique extrêmement puissant avec comme conséquence le risque pour un étranger de se sentir irrémédiablement exclu de la communauté. Le comble est atteint ici à Daegu ou les coréens originaires de Séoul sont considérés avec un peu plus de circonspection qu’à l’ordinaire.
Pas question néanmoins de leur jeter la pierre. Un survol historique suffit à comprendre les raisons profondes de ce fort repli identitaire. La Corée a traversé un passé particulièrement tourmenté. Au début du 20ème siècle la péninsule a été colonisée par son voisin japonais pendant plus de 30 ans. Il en découle aujourd’hui un fort ressentiment de rejet envers l’occupant quel qu’il soit, ce qui renforce encore un peu plus l’union nationale. Les exemples d’humiliation ne manquent pas.
Des milliers de jeunes coréennes ont été déportées dans les bordels militaires japonais durant la seconde guerre mondiale. La partition du pays à la fin du conflit a exacerbé encore davantage ces tensions. Et la blessure est toujours aussi vive puisque les deux Corée sont toujours sur le pied de guerre aujourd’hui.
Ajoutez à cela une croissance phénoménale qui en un demi-siècle à peine à propulsé le pays du sous développement au sommet de la technologie et vous comprendrez peut être pourquoi la culture et les traditions dans ce cas précis peuvent offrir quelques gages de stabilité.
La dernière fois que j’avais mis les pieds en Corée du Sud, c’était en 1988 à l’occasion des jeux olympiques. Politiquement le pays délaissait la manière forte pour entamer un processus de démocratisation. En 23 ans les comportements humains ont considérablement évolué. Une brutale transition qui exprime toute la diversité de la Corée d’aujourd’hui et stigmatise le fossé qui existe entre les apparences et la réalité de la vie au quotidien.
Les jeunes amoureux se tiennent par la main ou s’embrassent dans la rue mais ce sont encore les familles qui s’épousent. Les mariages se limitent à une signature de contrat. Une heure et demie y compris la pose devant la pièce montée et les clichés énamourés dans le parc attenant. Le divorce est toujours très mal vécu par la société et les petits motels discrets n’ont jamais été aussi nombreux. Mais comme toujours c’est la jeunesse qui possède la clé du pays. A Daegu comme partout ailleurs l’enfant est roi. 75 % des jeunes filles ont déjà subi une opération de chirurgie esthétique avant l’âge de 25 ans. Priorité à la paupière, au nez et à la poitrine. Mais à quoi pense cette génération dorée au profond, la première qui n’ait jamais vraiment connu la guerre ?
Les championnats de monde avec son cortège d’athlètes accourus du monde entier apportera peut être un premier élément de réponse.