Visitez Debrecen

 

L’homme qui nous accueille sur le pas de sa porte semble amaigri et las. Naguère  chirurgien de talent, sportif aguerri,  il se déplace à pas comptés  devant le perron de sa maison. Nous sommes quelque part, à l’abri des regards,  dans la banlieue résidentielle de Debrecen, l’éphémère capitale de la grande Hongrie en 1944.

Le temps est comme suspendu.  Le jardin a perdu de son opulence mais il reste touffu comme s’il cherchait désespérément  à protéger d’étouffants  secrets de famille. Des résineux altiers montent la garde au milieu des herbes folles  L’épouse se tient en retrait du  vieil homme aux cheveux blanchis. Elle est de petite taille, le dos voûté par le temps. Elle nous observe avec méfiance.

Nous sommes des journalistes venus de France, ce pays dont elle a appris à l’école  quelques rudiments de la langue mais qui trahit par ses virulentes critiques ses rêveries adolescente. Dans  ses yeux, je lis qu’elle hésite encore sur l’attitude à adopter alors que de sa main grande ouverte elle nous invite à entrer. Nous sommes des amis de sa fille et en même temps des représentants de ces médias odieux qui ravalent sa Hongrie glorieuse au rang indigne de nation raciste et fascisante.

Debrecen et ses 200000 âmes est le berceau de la Fidesz, le parti au pouvoir dont Victor Orban le premier ministre est l’égérie. Orban qui dans ses discours enflammés ressuscite les vieilles chimères nationalistes.

Sur les murs du salon cossu du pavillon  s’exhibent des toiles de maître, dans les vitrines sont empilées des trésors épargnés par le communisme, de la vaisselle précieuse, des verres  en cristal, des statuettes orientales. La demeure a été construite sur deux niveaux. Elle  était la propriété du patient anglais, l’aviateur hongrois blessé pendant la guerre venu expirer en plein désert dans les bras d‘une belle infirmière.

J’imagine Juliette Binoche encore bouleversée. L’histoire se répète. Le vieil homme épuisé par son souci de faire bonne figure devant  les invités de marque se laisse tomber dans un fauteuil de velours rouge. Il regarde d’un air fataliste, l’écran plat connecté sur une chaîne d’information, qui retransmet en direct la destitution du président de la république Pal Schmidt convaincu du plagiat de sa thèse de doctorat.

L’ancien champion olympique d’escrime  a recopié allègrement près de 200 pages des travaux d’un chercheur bulgare.  Après avoir fait le dos rond, l’allié fidèle du Fidesz, le parti majoritaire en Hongrie,  est contraint de démissionner.

Mon guide ancienne journaliste qui occupe désormais les fonctions de chef de communication du porte-parole du gouvernement ne s’autorise aucun commentaire. Le matin lorsqu’elle est venue nous chercher à l’aéroport, j’ai évoqué le reportage récemment diffusé par « Envoyé Spécial »  un carnet de route particulièrement critique sur la Hongrie d’aujourd’hui rongée par la haine et le souverainisme exacerbé. Elle fait la moue. » Tout cela n’est qu’un tissu de mensonges. Cela suffit ! » 

 Dans la salle à manger,  la table est déjà dressée. Sa mère débouche en notre honneur une bouteille de mousseux traité selon la méthode champenoise et nous propose en guise d’amuse-gueules des friands aux champignons et au chou rouge. Le père opéré la semaine passée après un malaise cardiaque d’un épaississement des coronaires, trinque avec nous. Les médecins lui ont posé un pace maker. Le vieux lion tente péniblement de remonter la pente. La mère sert en  entrée un potage délicat.  Le saumon grillé nappé d’une sauce aux framboises est succulent. Gâteaux au fromage et fruits rouges et mille feuilles crémeux clôturent les agapes. 

Un étrange climat s’installe entre nous. Le père résigné marmonne sa splendeur passée. Le temps où il enchaînait allègrement son kilomètre matinal à la piscine avant de filer à l’hôpital. Du grand ponte impatient, il ne reste plus qu’un grand gaillard avachi aux yeux de cocker  triste. Petra chuchote avec sa mère en cuisine. Je les remercie chaleureusement pour leur accueil. A deux pas de là, la ville illuminée par un ciel sans nuages nous tend les bras.

A l'occasion des championnats d'Europe de natation , découvrez la deuxième ville de Hongrie en compagnie de notre guide Petra . Visitez Debrecen http://ma-tvideo.france2.fr/video/1f5c6226496s.html