Evidemment je ne connais pas Zidane. En tout cas pas plus que la plupart de mes compatriotes. Je me contente des miettes de lui éparpillées complaisamment.
Footballeur d’exception, icône sur papier glacé, homme d’affaires affable et avisé. Pas facile d’appréhender le profond de celui que personne n’entend et que tout le monde écoute. La parole de Zizou (Qu’il veuille bien me pardonner cette familiarité !) est chiche et calibrée. Pas question pour lui de heurter les susceptibilités, de mettre en péril les consensus, bref de dévoiler une part véritable de sa personnalité.
Jusqu’à dimanche je considérais Zidane comme un être réservé et singulier, orpailleur à la prudence excessive, soucieux avant tout de protéger sa famille et ses intérêts.
Grâce à mon confrère Rodolphe Gaudin qui a pu s’entretenir avec le génie du ballon rond durant un gros quart d’heure à l’occasion d’une campagne de promotion, j’ai affiné mon jugement.
Au self service de France Télévisions l’autre midi, Rodolphe, de retour d’Aix en Provence, contait cette anecdote savoureuse. Les télévisions convoquées se bousculaient au portillon. Il fallait bien trouver un artifice pour créer une petite différence d’autant que Canal qui rétribue Zizou comme consultant exigeait la primeur de l’entretien.
Rodolphe eut alors l’idée d’exhumer un vieux sujet tourné par Francis Maroto pour Stade 2. On y voyait Zidane, juvénile et inconnu, déambuler au bras de son épouse sur la croisette à Cannes.
Zidane de toute évidence n’avait pas revu ce reportage depuis des lustres mais lui avait réservé une place de choix dans sa mémoire. Manifestement ému par ce flash back inattendu, il interrompit brutalement le visionnage pour devenir intervieweur à son tour.
» Comment s’appelle le journaliste qui a réalisé ce reportage ? »
« Maroto, Francis Maroto… » Répondit Rodolphe. »
"Ah oui… Francis… Comment va-t-il ? Que devient –il ? "
« Oh il se porte comme un charme. D’ailleurs je le croise très régulièrement. Nous partageons à la télé le même bureau. »
« Bien, bien … » Murmura Zizou avant de poursuivre le visionnage.
Un peu plus tard, alors que Rodolphe s’apprêtait à prendre congé, Zidane revint à la charge son DVD sous le bras.
» Vous n’oublierez pas de transmettre mes amitiés à Francis Maroto. »
Il n’y avait aucun calcul dans cette démarche. L’espace de quelques minutes Zizou était redevenu Zinédine. Il venait de dévoiler un pan de lui, vrai et sensible. Celui qui se tient toujours en retrait, et que bien peu de gens connaissent.