Aller et retour dans la journée à Monaco pour cause d’élections présidentielles. Délocalisation de Stade 2 oblige. Le décor réalisé pour les soirées électorales de France 2 est si monumental qu’il sera impossible de le démonter dans l’entre deux tours.
Nous voici donc partis pour trois semaines de transhumances. Lever aux aurores, coucher à minuit pour inaugurer la série. L’occasion d’une timide incursion au Monte Carlo Country Club.
Le temps y est comme suspendu, comme dans une cathédrale indifférente aux fracas de la rue. Les courts en terre battue sont aménagés à flanc de rocher. L’atmosphère en ce dimanche ensoleillé est celle du champ de course le jour d’un grand prix de Diane. Dames élégantes aux chapeaux élaborés, hommes bien mis au teint hâlé se pressent à l’ntreé leur carton à la main. Rolex au poignet de rigueur. C’est le parrain du Masters, la preuve par l’image que le temps ne s’écoule pas avec la même douceur selon l’endroit où l’on se trouve, l’espace dans lequel on respire.
Au restaurant de la presse, les mets sont succulents, l’ambiance légère. Evoquer les élections dans ce sanctuaire du luxe serait presque déplacé. Une faute de savoir vivre. Alors je me tais.
Du haut de mon promontoire, sur la plateforme de télévision aménagée, je regarde Nadal croquer Djokovic. L’espagnol ne lâche rien. Il appuie constamment sur les cicatrices de son adversaire se moquant comme d’une guigne du statut de résident monégasque qui colle à la peau de Djoko. Nole par intermittence honore son statut de numéro 1 mondial. Dans le 2ème set, à l’agonie pourtant, le serbe parvient à debreaker le service de Nadal sur un jeu blanc plein de promesses. C’est l’instant décisif, celui que choisit le Majorquin pour lui rendre la pareille dès le jeu suivant, sur le service du serbe. La messe est dite. Le match expédié en deux petites manches sèches.
Stade 2 est encore loin. L’horloge fait l’école buissonnière. Nibali s’est échappé dans les faubourgs de Liège un coureur Kazakh lancé à ses trousses. Sur Twitter, les fuites s’intensifient. Radio Londres s’en donne à cœur joie. Rien de toutes ces petites gauloiseries ne filtre pourtant au Monte Carlo Country Club. Pas la moindre rumeur, le moindre bruissement. C’est comme si rien de vraiment important n’existait en dehors de l’enceinte feutrée, éternellement à l’abri de tous les cataclysmes, de tous les tsunamis.
Stade 2 vient de commencer. Le conducteur de l’émission ronronne sereinement. Rugby, Escrime, Lutte. L’émotion de Laura et de Steeve sauvés des eaux à des milliers de kilomètres de Monaco. Lorsque Rafa vient enfin nous rejoindre sur le plateau, je prends conscience que sa seule présence comble dans seul coup la sensation de manque que je ressens depuis mon arrivée. Cette dimension humaine si palpable et réconfortante que seul le sport véhicule.
Nadal aurait pourtant toutes les raisons de nous snober. Il domine le tennis mondial, vient de conquérir ici son 8ème titre consécutif. Et pourtant non. Nadal prend bien soin de saluer tout le monde, journalistes et techniciens, ne montre aucun signe d’impatience lorsque que Lionel Chamoulaud lui explique qu’il lui faudra patienter un peu avant que l’on ouvre la page tennis. Rafa sourit, s’enquiert auprès de Kader Boudaoud de l’évolution du score du PSG face à Sochaux. Rien ne lui échappe en matière de football. Aguero vient d’ouvrir la marque pour City face à Wolverhampton. Il apprécie en connaisseur. En europeen convaincu, il surfe sur tous les championnats.
Vient le temps de l’interview. Quelques questions convenues avant de passer aux allusions des guignols. Rafa voudrait faire court mais il en est incapable. Les railleries des marionnettes l’ont profondément blessé. Le champion redescendu de son piedestal évoque des souffrances ordinaires, ces rumeurs de dopage qui minent un athlète quelque soit son rang et son statut.
La confession de l’ogre de la terre battue, touche au cœur. Avant de partir Rafa nous sert gentiment la main. Le rouge des caméras est éteint mais son attitude n’a pas varié d’un iota. Lui, grand supporter du Real paraphe chaleureusement le livre d’or destiné à Eric Abidal, le latéral du Barca fraîchement greffé du foie.
J’oublie soudain que je me trouve hors du monde, quelque part en principauté. Rafa par sa seule présence m’a ramené aux réalités terriennes. Pour prétendre être un authentique champion, c’est une évidence, il faut d’abord savoir être un homme véritable. Tolérant, accessible, humble. Trois qualificatifs suffisamment rares de nos jours pour forcer l’admiration.