L'honnêteté est-elle toujours la bienvenue ?

Deux faits sportifs passés inaperçus et pourtant signifiants.

Le but vainqueur inscrit de la main samedi dernier face à Reims du sochalien Loïc Poujol  et la victoire du kenyan Abel Mutai  lors d’une course sur route disputée  au début du mois de décembre  en Espagne.

Deux  péripéties noyées dans un calendrier surchargé en résultats et en émotions . Deux attitudes diamétralement opposées néanmoins qui méritent pourtant qu’on s’y attarde un petit peu.

Le témoignage du défenseur de Sochaux, recueilli par le journal l’Equipe pour commencer.  « C’était involontaire. J'arme de la tête mais la balle arrive sur mon poing gauche et elle entre dans le but. Je ne me dirige vers personne pour le fêter car je pensais qu'il n'était pas valable. Vu notre position au classement, je ne me voyais pas dire à l'arbitre : "Désolé, il n'y a pas but."

 

La réponse par ricochet  de l’athlète espagnol,  Ivan Fernandez Anaya, classé 2ème de la course ensuite. « : « Mais même si on m'avait dit que gagner m'aurait permis d’avoir une place dans l'équipe espagnole pour les championnats européens, je ne l'aurais pas fait. Je pense aussi que j’ai gagné quelque chose, ayant fait ce que j'ai fait, au lieu de gagner la course. »

 Abel Mutai trompé par la signalétique avait relâché son effort à quelques mètres de la ligne d’arrivée. Anaya qui pouvait aisément le priver de la victoire a refusé de le dépasser, l’encourageant du geste, au contraire à franchir la ligne en vainqueur.

L’athlète espagnol, il convient de le préciser, n’est pas le premier venu. A 24 ans il est même considéré comme l’un des grands espoirs du demi-fond ibérique. « Mon attitude  est très importante, parce qu'aujourd'hui, de la façon dont les choses se font dans les cercles du football, dans la société, dans la politique… il semble que n'importe quoi est permis. Un geste d'honnêteté sera toujours le bienvenu.  » A-t-il déclaré par la suite.

Loïc Poujol n’a manifestement pas eu ce choix. A titre personnel il aurait eu sans doute la même attitude qu’Ivan. La preuve en est qu’il s’est abstenu de tout débordement joyeux. Le footballeur a juste été dépassé par l’enjeu .  En se taisant il ne risque pas de se trouver exclu de son groupe. Quelles auraient été les réactions de ses coéquipiers, du staff dirigeant ?

Cette victoire en effet acquise grâce à  une  erreur d’arbitrage flagrante permet à son club Sochaux de s’éloigner de la zone de relégation. Le poids du jugement collectif  conjugué aux conséquences économiques liées à  mauvais classement,  lui  ont interdit de faire preuve de  fair-play.

C’est pourtant l’une des vertus essentielles qui est censée être transmise par la pratique sportive.

 Mais le pire en définitive ne concerne pas la réaction à chaud d’un sportif professionnel obnubilé par l’enjeu, mais bien la banalisation  qui accompagne ce fait de jeu.

Bien peu de médias se sont attardés sur les conséquences profondes de ce qu'il convient d'appeler une tricherie . L’agence de presse Reuters par exemple, s'est contenté de ces simples lignes.  « Les Sochaliens peuvent remercier le buteur du jour, LoïcPoujol  (15e), grâce auquel ils ont fait un saut de la 18e à la15e place au classement, avec un total de 22 points empochés en 21 journées. »

Ce constat strictement comptable a quelque chose de désespérant. En gommant totalement l’éthique, l’évènement sportif  se condamne à n'être qu' un simple compte rendu chiffré . Sec et sans avenir.