Il parait que Canal Plus à l'occasion du Clasico va dédier une caméra exclusivement aux faits et gestes de David Beckham. Et peu importe si la nouvelle recrue du PSG foule ou non la pelouse crampons au pied . Les abonnés ,quoi qu'il arrive, ne rateront rien de la magie et de l'aparat censés entourer la star.
Que possède donc de plus que les autres le Spice Boy pour bénéficier d'une attention si particulière ? Tout le monde au moins s'accorde sur ce point. Si Beck est loin du footballeur qu'il fut du temps de sa splendeur, son capital image reste intact. Beckham fait encore rêver les foules sentimentales et donc vendre et même si cela n'a plus grand chose à voir avec la chose sportive , c'est ce qui détermine la valeur économique de l'icône et qui justifie la caméra qui le suivra pas à pas où qu'il aille.
Le pouvoir exorbitant de l'image. Mahiedine Mekhissi notre spécialiste du 3000 mètres steeple l'apprend à ses dépends. Voilà un garçon, qui à 28 ans s'est déjà bâti un palmarès impressionnant. Deux médailles d'argent olympiques et deux titres de champion d'Europe.
Bien peu d'athlètes français peuvent se prévaloir d'une telle réussite. Et pourtant Mahiedine à la veille des championnats d'Europe en salle se trouve en plein désarroi. Son contrat avec son équimentier aux trois bandes n'a pas été reconduit et aucun candidat ne se bouscule pour faire signer le vice champion olympique de Londres. Ses exploits ont tout pourtant pour s'inscrire dans la légende de l'athlétisme . Mekhissi est venu piétiner le jardin des kenyans, ce qu'aucun observateur ne croyait possible. Ce tour de force , il le doit à ses 12 entraînements hebdomadaires et à une force de caractère peu commune.
Mahiedine est un guerrier qui ne lâche jamais rien et même quand on le croit battu, il puise en lui même des ressources insoupçonnées pour se sublimer encore.
L'histoire est -elle trop belle ? Certains l'ont cru qui ont salué l'avènement du champion avec un scepticisme malvenu. " Question d'argent ." Titrait le quotidien l'Equipe au lendemain de son triomphe pékinois en août 2008 , évoquant par ailleurs une performance stupéfiante et douteuse. Mahiedine qui n'avait alors que 22 ans fut frappé en plein coeur. Il revait depuis gamin de lire son nom à la Une de la bible sportive accompagné d'un titre du genre." La naissance d'un champion !"
Au lieu de cela, sans même chercher à le connaître, le jugement fut sans appel. S'inviter avec éclat au festin reservé au Kenya était pour certains de mes confrères la preuve évidente d'une supercherie. L'image s'insinuiat déjà , subliminale, en contrepoint de la médaille.
En 2009, peu avant les championats du monde, Mekhissi et Baala en vinrent aux mains lors du meeting de Monaco. Les deux hommes après une provocation verbale se battirent comme des chiffonniers sans se soucier des caméras qui retransmettaient la rixe en direct. Un régal pour les médias traditionnels et les réseaux sociaux qui plutôt que de chercher à comprendre, préfèrèrent s'en tenir à la puissance de l'image.
Mekhissi endossait la panoplie du Bad Boy idéal , sans disposer pour autant du lyrisme d'un Cantona ou du charisme d'un Zidane. Sans qu'il ait pu s'expliquer , l'homme n'était plus fréquentable entre deux olympiades . Pour le grand public , il incarnait même l'image de la racaille de banlieue, celle qui faisait d'ordinaire l'ouverture des 20 heures . Pour les plus moralisateurs, il convenait même de lui interdire sans délai ni procès, de porter le maillot de l'équipe de France.
Mahiedine s'accrocha heureusement à ce qu'il savait faire de mieux. Courir, serrer les dents et gagner.
A Barcelone puis à Helsinki aucun coureur européen ne put contester sa suprématie. Son secret Mahiedine le puise dans rage qui lui tient au ventre . C'est dans cette fureur insuffisamment contenue, qu'il construit ses plus beaux exploits mais aussi ses plus cinglants dérapages. Le dernier en date en Finlande où sitôt la ligne d'arrivée franchie, il repoussa sans ménagement la mascotte venue à sa rencontre pour le féliciter.
Cette image déconnectée de son contexte, Mahiedine ne peut plus la voir. Il a honte de ce qu'il a fait dans l'état second dans lequel est plongé l'athlète de très haut niveau au moment du sprint final. La mascotte un peu plus tard, il est allé la serrer dans ses bras mais hors du champ des caméras. A Londres quelques semaines plus tard, lorsque Kemboi le champion olympique kenyan se jeta dans les bras de son ami Mahiedine , avant de faire son tour d'honneur avec le maillot de son dauphin, les caméras renvoyèrent des images aux antipodes de celles du voyou bagarreur.
Mais le mal était déjà fait et le constat cruel Aucun sponsor aujourd'hui ne veut plus accompagner le champion dans sa quête de titres et de médailles.
J'ai rencontré pour Stade 2, Mahiedine en stage de préparation dans le sud du Portugal et ai trouvé un homme en plein désarroi. Des questions sans réponses se bousculent et s'entrechoquent. A quoi bon continuer à souffrir à l'entraînement pour une récolte aussi chiche, pour une image aussi détériorée. Faut-il répondre aux appels pressants que lui adresse l'Algérie afin qu'il rejoigne ses rangs ?
Je reste persuadé que Mahiedine est un type bien aux antipodes de l'image qu'il tracte dans son dos comme un boulet. Je souhaite simplement que chacun se fasse une plus juste opinion en visionnant son émouvante confession dimanche prochain dans Stade 2.
Mahiedine y explique son parcours simplement avec ses mots à lui, avec son coeur, sans langue de bois. Il nous livre sa vérité, celle qu'il a toujours gardé au fond de lui. par pudeur sans doute.
C'est sur la base de ce témoignage qu'il souhaiterait être jugé. C'est bien le moins que l'on puisse faire pour lui , eu égard à toutes les joies que ce champion nous a apportées sur la piste depuis 2008.