De la parole aux actes.

Lyon frappé d'apathie. La canicule s'installe. Les rues sont désertes.  Place Bellecour, un couple de touriste courageux, s'entête une carte à la main. On se croirait dans un roman de Philippe Djan. Au bout de la ligne D du métro, le stade du Rhône à Parilly fait peau neuve . Enceinte coquette et champêtre  réhabilitée pour accueillir dignement le gratin mondial de l'athlétisme handisport. Tout est calme, reposé.

La folie c'était l'année dernière.  Londres  si proche et si loin à la fois. Le miracle paralympique s'estompe dans les brumes de chaleur. Les trains bondés, la ferveur toute britannique pour ses héros  aux corps cabossés mais dignes. Ceux-là sont revenus de l'enfer. Ils franchissent fièrement la ligne, le poing rageur , relèvent la tête, croulent sous les hommages d'une nation reconnaissante. Les travées du stade olympique grondent de plaisir.

Retour à l'ordinaire. Ambiance feutrée. Les handis se retrouvent en famille. France Télévisions est de la partie. Deux heures de retransmission quotidienne en direct sur France 4. De 18 à 20 heures. En plein carrefour du stratégique access prime time. Une grande première. Je n'en suis pas peu fier. Muriel Hurtis la sprinteuse au coeur d'or et Joel Jeannot sacré 7 fois fois champion du monde dans son fauteuil m'accompagnent.

Au programme de la première journée , la finale du saut en longueur avec en vedette  Arnaud Assoumani né sans avant bras gauche. A la place une prothèse dorée. L'homme au bras d'or qui rêve de consécration.

C'est le titre d'un long métrage dont le champion a assuré la promotion juste avant les championnats. L'histoire d'un gamin surdoué d'origine comorienne,  décidé à inverser sa destinée,  à en découdre avec les valides. A écrire son  histoire.

A Bercy en 2010, Arnaud a atterri à 7m82 dans le bac à sable . Un bond qui lui ouvre toutes les portes, autorise tous les rêves. Sans lendemain hélas. Arnaud se blesse au tendon d'Achille et se perd peu à peu . Il ne parvient pas à réaliser les minimas exigés par la FFA  pour rejoindre le monde des valides.

Du coup le voilà brutalement rejeté à la case départ. Il franchit la Manche en conquistador mais ne récolte que l'argent de la longueur et du triple saut paralympiques . Pour n'importe quel athlète,  c'eut été une consécration.

Mais Arnaud assimile ces deuxièmes places à un cuisant échec. Après les jeux, il choisit d'aller poursuivre l'aventure à Los Angeles, intègre le prestigieux Santa Monica Track Club où plane encore l'aura de Carl Lewis.

A Lyon les retrouvailles avec la haute compétition sont glaciales. 6m77 contre 7m13 à Londres. A plus d'un mètre de son saut de Bercy. Liu le chinois confirme sa suprématie sur la discipline et un américain  rejette Arnaud à la troisième place du concours. La descente en pente douce se confirme.  A chaud, Arnaud dépité déclare forfait pour le 100 mètres à venir. Il n'a plus que le relais désormais pour être en paix avec lui-même. Il s'en remet aux copains de galère pour sauver l'essentiel. Réactiver la petite flamme qui brille dans le coeur des champions d'exception.

Ce matin, autre choc,  le verdict de l'audimat  est tombé. 93000 personnes seulement ont partagé l'amertume  de Arnaud. Une misère. A peine 1 % de part de marché. Bien sûr la concurrence des géants du  tour est implacable.

Bien sûr! Mais tout de même. Où sont-ils tous ceux qui exigent à juste titre que les champions handisport soient traités d'une manière digne sur les antennes ? Il leur reste encore une semaine pleine pour prouver qu'il ne s'agissait qu'un faux départ, pour mettre en conformité leur paroles avec leurs actes. Pour prouver à Arnaud et à tous ses camarades de l'équipe de France qu'ils méritent infiniment mieux qu'un discours de circonstance.

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Publié par pmontel / Catégories : Handicap