On tousse dans le Landerneau du foot. Les présidents des clubs professionnels touchés au portefeuille par la fameuse taxe à 75% cherchent par tous les moyens à en détourner l’incidence sur leur budget.
Moult fois retoqué, le prélèvement devrait être effectué, non plus sur la personne, mais sur l’entreprise pour toutes les rémunérations dépassant 1 million d’euros par an. Elle sera en outre rétroactive, mais plafonnée à 5% du chiffre d’affaires.
Tous les arguments sont bons pour se répandre dans la presse, alerter l’opinion, quitte à sombrer dans le ridicule en brandissant comme un seul homme une menace de grève pour la fin novembre. Les patrons en passe de débrayer ! Un mélange des genres particulièrement savoureux en ces périodes de précarité et de chômage endémique
.Il conviendrait aussi à les entendre de rétablir certaines vérités.
L’exemple de Lille illustre assez bien l’étendue du malaise . En lisant le Parisien daté du 28 octobre, on apprend par exemple que Michel Seydoux, le président du LOSC,se considère à la tête d’un club pauvre. Face à la menace de ponction fiscale, Seydoux évoque un procédé inique et scandaleux qui vise à taxer les salaires et non les bénéfices éventuels réalisé par le club. Rien d’innocent dans ce distinguo. Son club accuse comme la plupart de ses concurrents un déficit récurrent d’exploitation. L’application de la taxe en l’état ferait au contraire du LOSC le 4ème contributeur hexagonal avec 4,8 millions à débourser. Dans l’effectif nordiste, 13 joueurs touchent en effet plus de 83000 euros brut par mois.
Le football français vit à l’évidence au-dessus de ses moyens et l’effort supplémentaire exigé par l’état met simplement en évidence cette gestion inconséquente. « Si on prend pas de risques, on ne se lance pas dans le foot ! » Renchérit Michel Seydoux. Les risques se provisionnent serait-on tenté de lui rétorquer.
Comment aujourd’hui en outre ignorer les conséquences d’une dérive salariale inflationniste qui menace à tout moment de faire imploser le système, si l’on en juge par le montant démesuré des derniers transferts.
La fameuse taxe Hollande n’est-elle pas alors l’occasion pour ces apprentis sorciers de redescendre sur terre ? Quelle entreprise bien gérée accepte sans ciller de dépenser plus qu’elle ne gagne ? De payer les impôts de ses cadres supérieurs ? Le monde du ballon ne peut impunément se moquer des équilibres et des lois économiquesau prétexte que le produit proposé est d’un genre particulier.
Le football et ses artistes offrent du rêve. Il suffit d’une victoire ou d’une défaite pour plonger un supporter dans la joie ou l’affliction .Ibrahimovic en plante quatre et il devient aussitôt le héros moderne par excellence, l’exemple à suivre pour la jeunesse. Personne ne s’avise de savoir ce qu’il pense, quel homme il est dans la réalité . On lui demande seulement d’avoir le geste juste, de faire trembler les filets.
Un peu court tout de même pour endosser le costume de l’homme providentiel, celui qui pourquoi pas, accélérera la sortie de crise .Evidemment ces transversales audacieuses ne concernent qu’une petite frange de l’opinion. La plus prompte à monter au créneau à dénoncer ce gouvernement accusé de vouloir assassiner le sport roi .
Ceux-là ne représentent qu’une infime minorité. 85% des personnes interrogées restent favorables à la fameuse taxation des 75%. Au nom de la légitime contribution des plus fortunés à l’effort national. Faut-il rappeler que le salaire moyen brut annuel s’élève en France à 29000 euros soit 35 fois moins que les privilégiés visés par la taxe exceptionnelle.
Relire Bernard Jeu peut s’avérer salutaire. « La société sportive ne reste pas à l’écart du réel, elle n’est pas un monde à part, elle ne cesse pas d’être située dans une société dont elle prend le contre-pied. »
Le LOSC de Michel Seydoux devra sans doute vendre quelques joueurs, donner du temps de jeu à d’autres, issus du centre de formation. Où est le scandale ? Lille perdra des matches, en gagnera d’autres. Ainsi roulent le ballon et les saisons.
Les vrais supporters resteront fidèles au club quel que soit le niveau auquel évoluera leur équipe chérie. Ces supporters comme l’ensemble de la population souffrent dans leur chair de cette crise qui s’éternise. Certains sont pauvres, vraiment. Ils continuent pourtant d’acquitter sans rechigner le droit d’entrer dans le stade et de rêver un peu.
Lever cette menace de grève ridicule et considérer que la ponction supplémentaire améliorera le quotidien des plus vulnérables , seraient un acte solidaire et responsable . Le moins que l’on puisse attendre de la part de la confrérie des présidents confortablement installés en tribunes comme dans la vie, à l’abri des intempéries.