Les instances fédérales qui avaient convoqué Patrice Evra n’ont pas jugé bon de prononcer la moindre sanction à son égard. Les états d’âme agressifs du capitaine des bleus, dans le cadre de l’émission Téléfoot, au lendemain de la rencontre France Finlande visaient pourtant nommément des anciennes gloires de l’équipe de France et des journalistes consultants censés faire autorité en matière de football.
Pour mémoire Samir Nasri avait écopé en juillet 2012 de trois matches de suspension pour avoir insulté à deux reprises des journalistes.
Deux poids deux mesures ? On serait tenté de le croire en première analyse. A bien y réfléchir cependant l’absence totale de sanction pourrait aussi trouver son fondement dans l’existence d’un consensus général entre les acteurs qui gravitent autour de la planète bleue.
Les temps sont durs en effet en matière de foot et de télé . Le onze de France s’affiche depuis l’épisode Knysna, en bleu très pâle. 83% encore des personnes récemment interrogées expriment au moins un sentiment négatif à son encontre.
Avant ce cataclysme, en décembre 2009, TF1 avait payé 45 millions les droits exclusifs de diffusion des matches de l’équipe de France pour les saisons 2010-2011 à 2013-2014.
Pour ce qui est des négociations du futur contrat confié aux bons soins de l’UEFA, TF1 se fait tirer l’oreille. Le 30 septembre dernier, son PDG, Nonce Paolini, ne déclarait-il pas ?
« Nous allons étudier attentivement les droits télés de l’équipe de France de football, mais ce n’est pas la priorité absolue. Le seul soir où TF1 gagne de l’argent avec l’équipe de France, c’est quand M6 diffuse le match. »
L’audience de l’émission Téléfoot, privée depuis 2007 des droits de diffusion des rencontres de ligue 1, s’érode. Pire un réexamen par le CSA du bon usage du droit de citation (Une minute trente par journée de championnat sans bourse déliée) concernant les magazines sportifs exclusivement consacrés à la couverture d’une seule discipline, est à l’étude.
Dans cette hypothèse, l’émission dominicale de TF1 serait encore plus fortement dépendante de l’image des bleus. Pour l’heure TF1 coproduit avec son partenaire la FFF, un programme promotionnel intitulé « Bleus confidentiel » censé redorer le blason du onze de France. Un caméraman appointé par la fédération fournit des images tournées dans l’intimité des bleus qui sont ensuite habillées et montées par TF1. Un programme consensuel qui manque singulièrement d’aspérités.
La bombe Patrice Evra serait donc tombée à pic et ce pour plusieurs raisons.
L’un des tauliers du vestiaire France relaye manifestement des opinions largement partagées par ses coéquipiers.
La FFF peut trouver opportunément dans ce coup de sang matière à motiver ses troupes avant le double affrontement crucial face à l’Ukraine.
TF1 réalise un joli coup en relayant les états d’âme de l’un des meneurs de Knysna qui jusque-là a toujours refusé de s’exprimer. (1,8 million de téléspectateurs, 21,3 % de part de marchés). La meilleure audience de l’année pour Téléfoot.
En attaquant nommément des personnages en vue dans le microcosme du ballon, la chaîne adresserait en outre un joli tacle au passage aux chaînes à péage concurrentes qui exigent de la part du CSA plus de sévérité en matière d’utilisation gratuite des buts de Ligue 1.
Dans ce contexte sportif et médiatique tendu, les barrages s’annoncent encore plus palpitants.
Le prix du spot publicitaire avant la rencontre et pendant la mi-temps devrait se situer entre 140000 et 160000 euros. Une beau jackpot en perspective.
Un coup de gueule gagnant-gagnant à la condition toutefois d’éviter tout dérapage incontrôlé.
L’ITW de Evra a donc fait l’objet d’un enregistrement et d’un montage préalables. Le produit fini a été expurgé des allégations diffamatoires susceptibles de déclencher une contre-attaque en justice.
La FFF partenaire privilégiée, a été avertie en amont de la diffusion de l’entretien et nes’est pas opposée pas à la diffusion de la charge.
La mise en cause anecdotique de Lizarazu, le consultant vedette de TF1 (Pour ne pas avoir serré la main d’Evra dans les vestiaires) pourrait même à l’occasion fournir unalibi journalistique à la manœuvre le cas échéant.
Un esprit mal intentionné pourrait en déduire qu’il ne s’agit que d’une mise en scène habile jusqu’aux propos même du capitaine des bleus, tant le vocabulaire et les métaphores utilisés, n’ont pas grand-chose à voir avec l’improvisation.
Ne s’agit-il alors que d’un génial coup de communication reposant au départ sur un ressentiment réel, l’exaspération d’un athlète ? Ou juste d’une supposition de la part d’un esprit retors (le mien) toujours prompt à traquer ce qui n’est pas ?
Une chose est certaine. Canal Plus a récupéré cette passe d’armes à son profit dans un effet boomerang. La chaîne cryptée a convaincu en effet son salarié outragé de régler en direct dans son magazine dominical, son différend avec Evra à coup de jongles.
Le CFC à cette occasion a enregistré l’une de ses plus belles audiences. Du gagnant-gagnant sur toute