Quelques anciennes gloires de l’athlétisme réunies à Doha à l’occasion du forum mondial du sport viennent d’actionner le signal d’alarme. L’athlétisme serait en déclin et ne devrait sa survie aujourd’hui qu’à son exposition flatteuse lors des Jeux olympiques d’été.
En charge de la discipline depuis le début des années 90, je partage en grande partie ce constat désolant. Il fut un temps que les moins de 20 ans … Où le service public diffusait l’été venu, les championnats de France des jeunes. Une époque où les cross, les épreuves combinées, les meetings nationaux et internationaux, avaient leur place en clair sur une chaîne de télévision généraliste. Aujourd’hui en dehors des JO, des championnats d’Europe, des mondiaux et du marathon de Paris, l’athlétisme a disparu des antennes gratuites. L’audience s’est progressivement érodée et la multiplication des canaux de diffusion a contraint les programmateurs à diversifier leur offre, à rechercher pour muscler leur grille, des segments plus porteurs.
Ce constat implacable exprimé ouvertement par des pointures de la discipline comme Michael Johnson et Jonathan Edwards procure infiniment plus de résonnance que les chuchotements de salon et les crispations de tribune de presse. Il doit sans délai interpeller les responsables de ce gâchis avant que le déclin annoncé ne débouche sur une crise majeure.
Les fédérations qui se gargarisent des audiences post olympiques ou post mondiales seraient bien inspirées de les comparer avec la faiblesse de celles enregistrées à l’occasion des meetings. Il y a quelques années les réunions de Zurich ou de Bruxelles constituaient des rendez –vous incontournables de la saison athlétique. Aujourd’hui elles sont noyées dans une myriade de rencontres disputées dans des enceintes désertées. Il faut savoir que l’entrée gratuite dans le stade ne garantit plus aujourd’hui son remplissage. L’été les athlètes les plus en vue sont en tournée, répétant les mêmes gammes deux ou trois fois par semaine avec plus ou moins d’envie comme dans les critériums cyclistes d’après tour.
Les grands meetings, à l’origine au nombre de quatre, sont désormais quatorze , sans que l’on sache exactement quel(le) athlète sera déclaré vainqueur au bout compte. A force de multiplier les rendez-vous majeurs on en diminue la teneur. Les lingots exposés au milieu du stade ne mettent en lumière qu’un affairisme coupable. Le sport professionnel même s’il se rétribue en coulisses, tire sa force des duels à condition que ceux-ci ne se banalisent pas à l’infini. Dans ce cas, les tentations sont nombreuses pour , coûte que coûte, créer l’évènement.
La course aux records du monde constitue le mirage le plus mortel. En dehors du fait que les records ne sont pas faits pour être battus chaque semaine, cet effet d’annonce permanent décrédibilise les performances et incite au recours aux pratiques dopantes. Un 100 mètres bouclé en 9’90 ne suscite plus que l’indifférence.
L’autre piège consiste pour les organisateurs de meeting à se complaire dans la « Bolt dépendance ». Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. La meilleure façon à terme de condamner à mort l’athlétisme.
Je ne suis pas d’accord en revanche avec les grands témoins de Doha lorsqu’ils préconisent de marginaliser encore davantage certains pans de la discipline. Pourquoi le sprint serait-il plus noble que le fond ? Les sauts que les lancers ? Tout est respectable dans l’athlétisme à condition de mettre en avant ce qui naguère fit son succès.
Les duels d’homme à homme. La hiérarchie claire des compétitions. Une lisibilité plus grande pour les clubs plutôt que de s'en remettre au monopole des seuls équipementiers. Bref il est urgent de revenir aux bases et d'affirmer que l’athlétisme ne doit se nourrir des seules recettes validées par le football.