« Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ! » Evidemment le célèbre adage s’imposait mais je n’ai pas eu le courage de lui jeter en pâture. Martin Fourcade, après être resté invisible pendant une vingtaine de minutes, apparut enfin en zone mixte le visage à la fois incrédule et résigné.
S’incliner face à son ennemi désigné Emil Svendsen passe encore, mais être battu à la régulière par un vétéran, le coup était rude, pour le leader de la coupe du monde, KO debout de longues moments après le 10 km de biathlon. Ole Einar Bjørndalen venait de dominer Martin à ski dans l’ultime secteur chronométré, reléguant le grand favori de l’épreuve à plus de 12 secondes.
Une misère, un océan en matière de confiance en réalité . Martin ne savait plus à quel saint de vouer. Saint Fart ou Saint Faute à pas de chance.
« Il a deux bras deux jambes comme moi ce gars, il n’a rien gagné depuis 3 ans et là à 40 ans passés… je ne comprends pas »
Les plus retors feront la moue devant l’exceptionnelle performance, les autres salueront l’un des plus retentissants exploits des sports d’hiver. 7ème médaille d’or pour Ole Einar, le couronnement d’une carrière d’une incroyable longévité.
Le voilà désormais en passe de dépasser son compatriote Bjorn Daehlie l’athlète le plus titré dans les olympiades d’hiver.
Coïncidence ? Juste avant la course, j’ai eu le bonheur de croiser en salle de presse Raphael Poirée retraité du biathlon depuis 2007, adversaire privilégié en son temps de l’éternel Ole Einar. »
Bjorndalen est encore capable de tous les exploits, me confiait-il comme une prémonition. C’est un type totalement à part sur le circuit qui a tout sacrifié jusqu’à sa propre vie personnelle pour exceller dans sa discipline de cœur. » Raphael n’a évidemment pas oublié son dernier sprint face à son grand rival de toujours, l’étincelant Ole Einar qui l’a privé d’une dernière victoire pour quelques millimètres le 11 mars 2007 à Oslo.
Raphael après tout aurait pu lui aussi être encore dans la course. Il hausse les épaules, fataliste. « Je ne regrette rien. J’ai eu une belle vie sportive dans son sillage. » Grâce au biathlon il a rencontré Liv son épouse norvégienne et il est devenu malgré lui le trait d’union entre Martin et Ole Einar.
"Martin n’a rien à regretter, rien à se reprocher. Au contraire cet accroc doit lui permettre d’élever encore un peu plus son niveau pour engager la poursuite derrière le mythe, dès lundi «C’est sans doute en substance ce qu’il a confié après la course à la télévision norvégienne pour laquelle il est consultant.
En réalité, Raphael a pris beaucoup de recul par rapport à la stricte compétition. "Ce n’est que du sport n’est ce pas ? L’éclatante démonstration des organismes en parfaite santé ?"
Après des expériences inabouties dans l’encadrement du biathlon, un milieu un peu étriqué selon lui, Raphael a entamé sa deuxième vie. Technicien sur les plates-formes pétrolières au large de la Norvège. Deux semaines en mer, quatre à la maison. Une voie nouvelle ouverte sans amertume mais avec beaucoup de détermination.
L’exemple à suivre pour Martin, skis au pied, fusil en bandoulière. « Ne l’enterrez pas trop vite ! Ce garçon est un grand professionnel, encore bien plus que moi à mon époque. S’il se manque sur la première épreuve, il lui en restera quatre pour marquer durablement son territoire ! « Prémonitoires encore une fois les propos de Raphael ?