Pèle mêle quelques réflexions, les jours d’après. Une brume épaisse qui persiste comme un lendemain de cuite qui s’éternise. Les images inutilement « spectacularisées » d’interpellations qui tournent en boucle dans ma tête. Mon téléphone portable qui chauffe plus qu’à l’ordinaire.
Tous ces confrères qui me pressent de raconter cent fois la même histoire. Tous les autres, apprentis justiciers, qui se déchaînent sur les réseaux sociaux, le plus souvent sous couvert d’anonymat. Tous ces autres dont je ne sais rien et qui me prêtent avec aplomb, des intentions que je n’ai jamais eues. L’humour, le mépris, les insultes.
Quelle erreur tragique ai-je donc commise pour mériter d’ingurgiter un tel brouet ?
Les faits. Un bar parisien. Un témoin direct m’informe du comportement étrange d’un couple aisément identifiable, comportement corroboré ensuite par le score à la mi-temps d’une rencontre ordinaire de handball. La FDJ alertée mécaniquement par le montant anormal des enjeux à la mi-temps de ce match, décide de porter plainte. J’en réfère à mon rédacteur en chef qui nomme un journaliste du service pour investiguer. Pas question pour nous de se précipiter. Nous n’avons pour l’heure en notre possession qu’un simple mail daté du 12 mai à 16 heures soit deux heures avant le coup d’envoi de la rencontre. La FDJ ne répond plus à nos sollicitations, les témoins se font tirer l’oreille pour témoigner à visage découvert.
La technique de la caméra cachée nous conforte dans la certitude qu’il s’est produit quelque chose d’anormal dans le petit monde du handball. Un seul joueur est pour l’instant concerné. Impensable de jeter ce seul nom en pâture alors que de toute évidence il ne représente qu’une petite partie de l’affaire.
Quant à sa compagne parieuse, si elle été identifiée par les clients du bar, j’ignorais jusqu’à ce jour tout de son existence.
Le temps passe. La police fait son travail mais rien ne filtre. Nous ne chômons pas néanmoins. Roland Garros. Le tour. Les JO et les paralympiques. L’équipe, de France de Handball triomphe . Nous exultons. Comment pourrait-il en être autrement ?
Ce n’est pas le procès d’une discipline ou même d’un club qui s’instruit en coulisses mais le fait de quelques-uns.
Rien de nouveau jusqu’au lundi 24 Septembre. Des confrères de FR3 Languedoc réactivent brutalement l’affaire bénéficiant d’une fuite de source vraisemblablement policière. Il faut savoir que la police des courses et des jeux à Nanterre et le SRPJ de Montpellier sont toutes deux en charge de l’affaire. Des interpellations seraient imminentes. Il est temps pour nous de diffuser notre enquête dans le Stade 2 suivant. En attendant dimanche je décide de relater les faits dans ce blog en respectant au maximum l’anonymat des différents protagonistes en vertu de la présomption d’innocence. Je pèse les termes employés, choisis de rester volontairement dans le flou. "Un bar parisien, un voisin, un colosse, une animatrice de la TNT."
Sur les réseaux sociaux où la brutalité et l’immédiateté sont de mises, les réactions ne se font pas attendre.
Revue de Tweets
Patrick Montel @LaProlon, l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme, qui blogue l'affaire, avec cinq mois de retard. #handball
Pardon ? Des fouilles merdes comme eux ne méritent aucun respect. Aucun.
Votre professionnalisme, éthique & indics étaient aux abonnés absents qd vous vous extasiez sur les exploits de dopés.
Je te pisse à la raie à toi et à tes pseudos journalistes ! #Stade2 #France2 #TousDesMerdes
Patrick Montel @LaProlon , une honte pour le journalisme : http://blog.france2.fr/patrick-montel-la-prolongation/ … garder pendant 4 mois des infos comme ça, pff #hand
@LaProlon vous partez du principe qu'il s'agit déjà d'une arnaque ! Les sportifs vous font vivre et vous crachez ds la soupe. Pas beau !
@LaProlon Vous etes devenu flic Je vous cite:"Mon indic...". Vous vous plaisez à enfoncer ceux qui réussissent, pour vous mettre en avant 🙁
Bien sûr j’ai comme tout à chacun mes défauts et mes qualités, mais je pense faire notre métier en conscience. Ce mail m’est tombé dessus. Que pouvais je faire d’autre que de chercher à comprendre ce qui se tramait derrière ? Je ne mérite pour cela ni la légion d’honneur ni le prix Albert Londres mais pas non plus le tombereau d’injures déversé ci-dessus.
D’autres internautes pensent qu’il ne s’agit que d’une broutille, d’une erreur de jeunesse et que les médias se livrent à un véritable lynchage médiatique sans commune mesure avec le délit constaté. Nous vivons heureusement dans un état de droit où la justice est souveraine.
Lu sur Facebook
« Quand Ribéry a été accusé de viol,il était convoqué, et non interpellé à la sortie d'un match, la brigade des jeux se la pète qu'est ce qui est plus grave coucher avec une prostituée mineure ou faire un pari "truqué" pff »
« Et ben dis donc c'est un gros banco pff 200 000 divisé par ... »
L’argent facile et sans contrepartie. Cela ne semble plus choquer grand monde. Qu’est ce que représentent 200000 euros si ce n’est plus de 13 années du salaire d’un smicard ?
Restent enfin les réactions surprenantes émanant du monde du Handball. Pour un Daniel Costantini offensif et critique combien de faux-semblant, de robinets d’eau tièdes ?
« Ils (Les sportifs) aiment le jeu. Je regardai toute à l’heure la dépêche : on a l’impression qu’ils ont joué 4 millions d’euros. En gros, il y a dix personnes. 5 000 euros, ça fait 500 euros par personne. Aujourd’hui, ils gagnent très bien leur vie et 500 euros, ça n’est pas grand-chose… Les responsables de la FDJ devraient vite retirer leur plainte car, quand les arguments vont être lancés, ils vont vite passer pour des gens qui ne sont pas sérieux… »
« Les joueurs concernés n'ont tué personne. Ça ne mérite pas un tel lynchage médiatique. Il faut les traiter avec respect"
Loin de moi l'idée inverse . Je souhaiterais seulement bénéficier de la réciprocité. Je n’ai pas non plus le sentiment de m’être conduit comme un flic et encore moins comme un criminel. Pour ceux dont la mémoire défaille, j’ai très longtemps suivi le handball. Depuis 1992 et les JO de Barcelone ou les bleus abonnés aux divisions inférieures ont brillamment décroché le bronze.
J’aime profondément cette discipline qui puise ses valeurs dans le sport scolaire et universitaire. J’ai eu la chance de côtoyer bon nombre de ses acteurs majeurs et je n’ai jamais eu l’intention de jeter l’opprobre sur une famille qui aujourd’hui se sent sur la sellette.
Hier soir nous avons fêté notre confrère Dominique Le Glou qui a fait valoir ses droits à tourner la page. Dodo rayonnant a été acclamé, sortant d’une limousine blanche louée pour l’occasion, le torse bardé d’accréditations comme un général de médailles. Dominique pour beaucoup d’entre nous est un modèle d’intégrité et de rigueur. Je me souviens notamment de l’enquête retentissante que lui et son compère Alain Vernon avaient réalisé sur les ravages causés par le dopage.
De ces longs mois d’investigations, de ces témoignages patiemment compilé dans l’attente d’une diffusion prochaine. Personne à l’époque ne leur avait reproché de ne pas avoir sorti l’affaire plus tôt dès la première confidence sulfureuse. Seul le milieu du vélo rompu à l’omerta avait fait bloc contre eux.
Aujourd’hui il ne viendrait à personne l’idée de mettre en doute leur probité professionnelle.
Mais il est vrai qu’Internet n’existait pas encore et avec lui les règlements de compte sommaires et anonymes.
Il faut évidemment vivre avec son temps. La toile a tissé aujourd’hui des maillons indestructibles qui constituent une source d’information importante pour les journalistes. Soit mais je ne suis pas non plus obligé de prêter le flanc à toutes les bassesses, à toutes les ignominies.
Voilà pourquoi je ne « twitterai » plus jamais et pourquoi je ne lirai plus les commentaires lapidaires associés à mon compte. Je me contenterai muet de profiter des réflexions de mes abonnés.
Que ceux qui ont fait preuve à mon égard de sollicitude ne m’en tiennent pas grief.