Premier petit matin des recos du Dakar 2017. Rudesses habituelles. Réveil à 5h30, température hors des tentes : -2 degrés. Le campement est vite plié. La perspective d’être au chaud dans les voitures est facteur…motivant.
On a bien fait de papoter navigation à la veillée : la spéciale n°9, au cœur de l’étape Salta-Chilecito, se fera à 90% hors-piste. Les premiers motards à s’élancer feront la trace, et la tâche ne sera pas aisée. On évolue ici en permanence dans un paysage semi-désertique. A part quelques barres rocheuses, peu de grands repères visuels ; donc peu de moyens de se situer avec précision en regardant ce qu’il y a autour de soi, vu qu’il n’y a pas de point d’attache visuel pour se guider.
Il sera donc impératif de suivre le road-book et surtout les caps indiqués. Car cette spéciale est loin d’aller tout droit du point A au point B. Vue sur une carte, elle est-même franchement tarabiscotée. On ira dans toutes les directions pour décrire des arabesques sur cette immense plaine sablonneuse. Plus loin, il faudra se dépétrer de petites dunes couvertes de végétation. A l’œil nu, on ne s’aperçoit pas du changement de terrain mais les amortisseurs s’en chargent : nous voilà bien secoués, de touffes d’épineux en touffes d’épineux. A mesure que l’on progresse le sable est de plus en plus mou et, évidemment, on finit par y rester. Notre voiture est la première « tankée » mais les autres auront leur tour. Sur cette portion de 40km en tout, les 4 voitures du petit train des recos se sont retrouvées ensablées tour à tour (et parfois deux par deux !) jusqu’au bas des portières.
Evidemment, nous nous sommes secourus les uns les autres. Mais il a fallu jouer des radios et même donner le point GPS du lieu d’ensablement car à 100m de distance, on ne se voit plus tant le terrain est vallonné. Autant dire qu’en course, les malheureux tombés dans quelque sournoise cuvette risque de rester longtemps seuls, loin du regard des autres, dans leur baignoire de sable.
Tiziano Siviero et Xavi Colomé prendront même le temps de chercher quelque alternative à la trace dessinée en pré-recos, au printemps, au cas où ce morceau de spéciale devienne trop difficile à franchir en cas de grosse chaleur. Si la température dépasse 35 degrés en Janvier, cela risque d’être beaucoup plus difficile car le sable sera bien moins porteur…
Les 20 derniers km de la première partie du secteur chronométré sont plus cool mais on est loin d’avoir fini. On retrouve le goudron pour 100km de neutralisation qui nous mèneront au départ de la deuxième partie de la spéciale. « Il y aura pas mal de neutralisations, me dit Marc Coma, Directeur de course. Ca ne sert à rien de rouler sur des parties hyper faciles. On gaspille des kilomètres. Là, avec la neutralisation, l’étape fait 406km en tout, et on a 306km de terrains très sélectifs. C’est bien plus « sportif » comme cela. »
On se remet au « sport » donc, après une bonne heure de goudron reposant. Le mode de pilotage change. On est dans le lit d’un rio interminable que l’on remonte pour faire pratiquement demi-tour et redescendre dans le lit d’un rio parallèle avant de…remonter une troisième rivière asséchée. Pas loin de 130km pour atteindre un secteur dunaire. Une dizaine de kilomètres de dunes pures, identiques à celles que l’on trouve dans le Sahara. On se demande même ce qu’elles font là, au cœur des sierras, nom donné aux massifs montagneux qui entourent ce lopin de sable. « C’est dingue la différence de portance du sable selon que tu passes 50 mètres à gauche ou 50 mètres à droite de la trace, s’étonne Patrick Juillet,le mécano de la bande, 15 ans de recos au compteur. »
Avec Luis Alberto, nous avons traversé ce cordon comme une fleur. Le sable nous paraissait particulièrement dur…Pendant ce temps, les autres voitures galéraient d’ensablement en ensablement. Et on ne peut pas dire que le pilotes des susdites découvraient le sable…
Même sur les sommets de ces dunes arrondies, le sable peut être extrèmement mou. Pas moyen de trouver la trajectoire idéale. Ces zones de sable « mouvant » ont exactement la même apparence que les parties porteuses. Cette dizaine de kilomètres de dunes ressemble à une loterie . Coma : « Ils vont arriver ici fatigués par les 360 premiers kilomètres. C’est déjà difficile de voir où sont les bons passages et avec la perte de lucidité due à la fatigue, ça sera aussi dur pour eux que ça l’a été pour nous ».
Un peu de piste cahotante pour en finir avec cette spéciale N°9 et encore une liaison de plus de 100km pour rallier le bivouac de Chilecito. Ce sera une longue journée de course.