Les humeurs de Biquet

Le Français Jean Robic gravit le col d'Aspin, le 13 juillet 1947, lors de la 15ème étape du Tour de France entre Luchon et Pau. Robic remporte l'étape devant son compatriote René Vietto, deuxième à 10'43", qui conserve son maillot jaune. Mais à Paris, c'est Robic qui remportera le premier Tour d'après-guerre.

On l’appelait tête de cuir et c’était sans doute une tête de mule. Mais une mule vaillante et dure au mal, qui n’aurait pas reculé même devant un coup de bâton, un coup de fringale ou un coup du sort. Jean Robic, dit encore Biquet, a marqué de son empreinte les Tours d’après-Guerre. D’abord parce que son nom est à jamais associé à la liberté retrouvée. Vainqueur du Tour 1947, le Tour de la reprise après sept longues années d’interruption, le coureur de poche breton – il mesurait 1, 61 m – acquit une grande popularité. Tous les ingrédients étaient réunis pour qu’il entre dans le cœur des Français. D’abord son mariage avant le départ de l’épreuve, et la promesse qu’il fit à sa jeune épouse que faute de dot, il lui rapporterait le prix du vainqueur du Tour de France, si elle attendait la fin du mois de juillet… Et puis cette rage de vaincre qui animait ce petit bonhomme volcanique à la musculature sèche et nerveuse. Reconnaissons que Robic avait enfin le sens du suspense. C’est seulement dans la dernière étape, et dans l’ultime côte bien nommée de Bonsecours, qu’il prit l’avantage sur le leader d’alors, Pierre Brambilla. Aidé d’un complice d’échappée, Edouard Fachleitner, qu’il sut intéresser à leur escapade encore bien loin de l’arrivée, il se présenta au Parc des Princes avec une avance suffisante pour conquérir son premier maillot jaune. De fureur et de désespoir (il fallait bien les deux), Brambilla enterra son vélo au fond de son jardin.

Quant à Biquet, il ne devait plus remporter d’autres Grandes Boucles, se heurtant tout à tour à la suprématie d’un certain Fausto Coppi, et d’un autre coureur breton dont l’étoile montait dans le ciel du vélo, un certain Louison Bobet. Il n’empêche : Biquet a marqué son époque, avec sa gouaille, ses humeurs d’attaquant infatigable, de David prêt à terrasser tous les Goliath sur deux roues. « Grand disou, petit faisou » lâchait parfois Tabarly. Robic, c’était les deux : il en faisait autant qu’il en disait. C’était une époque sans oreillette où les champions pouvaient encore n’en faire qu’à leur tête de mule.

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