Du Mont Saint-Michel aux plages du débarquement, 13 siècles d’histoire vont défiler sous les roues des coureurs de la Grande Boucle. Il faut avoir de l’estomac et une curiosité sans limites pour digérer pareil programme ! Autant le dire d’emblée aux athlètes affûtés en mal de gloire dès les premiers coups de pédale : le maillot jaune est déjà entre de bonnes ailes. Je ne parle pas de celui que portera Chris Froome en sa qualité de dernier vainqueur. Mais de la tunique dorée dont s’est paré au printemps l’archange Saint-Michel terrassant le dragon aussi bien que le Blaireau – j’entends Bernard Hinault – mettait au tapis ses adversaires. C’est la figure tutélaire de cet archange, « premier guerrier venu du ciel » nous apprennent les Ecritures, qui va dominer ce Grand départ de la Manche.

Et comme les organisateurs ont de la Suisse dans les idées, comme disait Antoine Blondin, autre prince en écritures (certes pas très pieuses), le survol d’Omaha et d’Utah Beach, après un crochet par Sainte-Mère l’Eglise, bouclera cette première étape aux allures de leçon inaugurale. En effet, Saint-Michel est connu pour être le patron… des parachutistes, en particulier de ceux qui sautèrent sur la Normandie dans la nuit du 5 au 6 juin 1944. L’art du symbole touche ici à la perfection. Si de jeunes hommes peuvent aujourd’hui se disputer pacifiquement la victoire, sprinters allemands contre sprinters français, américains ou british, c’est que d’autres jeunes hommes, il y a 72 ans, sont tombés pour la liberté.

Eric Fottorino