Il fallait bien que le classement de cette première étape disputée entre le Mont-St Michel, dominée par son archange patron des parachutistes, et Utah Beach, haut-lieu de la victoire alliée du 6 juin 1944, revienne à un British. Et que la rime tombe juste, un british nommé Cavendish, ajoute à cet heureux hasard qui n’en est pas un. A l’évidence, cette approche ventée vers les plages du Débarquement a dû chatouiller la fibre héroïque et nationale de plus d’un coursier.
Il suffit de voir qu’hier, notre anglais dont les pères débarquèrent ici en héros il y a 72 ans l’a emporté sur l’allemand Marcel Kittel qui avait lui aussi une petite idée derrière la socquette. Comme son collègue Andrei Greipel l’avait emporté l’an passé dans l’étape Arras-Amiens marquée par les combats de 14, l’autre sprinter teuton avait fourbi sa pointe de vitesse pour inscrire un triomphe allemand dans cette Normandie à la mémoire douloureuse et blessée. Il est vrai qu’en passant par Omaha la sanglante puis devant le cimetière américain de Colleville, le peloton a eu de quoi réviser son histoire de la seconde guerre mondiale. On peut méditer à cinquante à l‘heure, quand on dispute le Tour de France !
Peu après l’arrivée, des coureurs des nationalités belligérantes se sont retrouvés une rose blanche à la main pour une émouvante cérémonie de la paix. Signe que le sport n’est pas la guerre. Et Cavendish heureux dans son habit de serial sprinter – 27 étapes dans sa gibecière – a endossé le premier maillot jaune de sa riche carrière. Doré comme le soleil qui baignait la côte normande sur la ligne d’arrivée.
Eric Fottorino