Bardet ou la victoire de l’audace

Il aura fallu attendre la 19è étape du Tour entre Sallanches et Megève pour vraiment vibrer. Pour que les coureurs, Romain Bardet en tête, nous rendent « notre » Tour de France. Celui où on frissonne. Celui ou l’émotion surgit à chaque coup de pédale. Celui qui fait qu’on aime ce sport plus que tout car il est à l’image de la vie, avec ses coups durs et ses joies intenses, ses pénitences et ses délivrances. Il ne faut voir dans ces propos aucun sadisme qui consisterait à prendre plaisir aux drames petits et grands qui ont émaillé l’étape quand la fatigue puis la pluie ont mis hors course Tom Dumoulin ou Dany Navaro, ou fait lourdement chuter Pierre Roland puis le maillot jaune contraint de changer de vélo « à l’arrache ». Non, si l’émotion était au rendez-vous, c’est que Bardet a bousculé les codes de la prudence pour tout miser sur l’audace. Avec l’instinct du chasseur, il s’est affranchi de la dictature douce des oreillettes, des ordres donnés à distance par des directeurs sportifs érigés en petits Napoléon branchés sur la fréquence musculaire de leurs petits soldats casqués. L’homme de tête n’en a fait qu’à sa tête, et il a eu cent fois raison d’écouter ce que lui dictait son cœur. Sans doute a-t-il pensé victoire d’étape, sans doute a t-il appuyé plus fort encore sur les pédales en entrevoyant la deuxième marche du podium à Paris. Mais surtout, il s’est donné sans compter, sans calcul, risquant le tout pour le tout ou plutôt, le tout pour le Tour. Qu’il soit français ajoute de la valeur au tableau d’honneur. Le jeune coureur de 25 ans a redonné des couleurs à un cyclisme qui en manquait depuis l’abandon de Pinot. Il a aussi montré qu’on pouvait courir et gagner avec ses tripes.

 

Eric Fottorino

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