Il ressemblait à un ange ou à un archange, enfin à un être surnaturel né pour dominer de ses grandes ailes le vulgum pecus. C’était en 1977 et il jonglait avec tous les maillots ou presque. On le vit en jaune pour commencer et cela dura 15 jours après ses 5 victoires d’étape. Et quand il céda sa belle tunique, se fut pour se vêtir de blanc – je ne dirais pas de lin blanc et de probité candide car il y avait de la ruse et du sulfureux chez cet être solaire qui prenait la lumière comme personne. Dietrich Thurau, c’était son nom, fut vite surnommé Didi. On lui promettait monts et merveilles. On ne savait pas encore qu’il serait un météore dans le ciel encombré des géants de la route. Il ne brilla guère plus d’un été, mais quel été ! Inclassable quoique toujours bien classé dans ce Tour qui le vit naître, il semblait n’appartenir à aucune lignée cycliste. Ou alors à celle, très sélective, des pédaleurs de charme. Un lointain cousin du bel Hugo Koblet, le champion suisse qui faisait se pâmer les filles avec son regard bleu, ses lunettes de Fangio à la saignée du coude, son peigne toujours dans la poche arrière de son maillot pour redonner forme à ses boucles claires, à peine franchie la ligne d’arrivée. Ces deux-là qui n’étaient pas des anges, avaient des airs d’angelots, la bouille ronde en moins. Koblet se tua comme James Dean ou Roger Nimier, en écrasant sa voiture de course contre un arbre.
Thurau lui, disparut du Tour sur la pointe des cale-pieds (à son époque les pédales automatiques étaient inconnues). Il devint un oiseau de nuit en remportant quantité de six-jours. Son nom apparut dans plusieurs affaires de dopage. J’ai appris récemment qu’un jeune Thurau était coureur cycliste professionnel, Björn de son prénom. Son fils. La roue tourne. Le jeune homme de 26 ans n’est pas dans le Tour cette année. La domination de ses compatriotes qui voient jaune avec Tony Martin et vert avec André Greipel devrait lui donner des fourmis dans les jambes. Histoire de raviver les couleurs des maillots gagnés jadis par Didi.