Les concurrents qui prononcent cette phrase mentent. En tout cas, c’est ce que je me dis pour me rassurer, car préparer un Dakar c’est faire une transaméricaine dans l’inconnu. J’avais déjà bien potassé les conseils délivrés aux compétiteurs sur le site officiel lorsque je me suis présenté le 17 octobre à la journée de formation des « rookies » du Dakar. Réunis dans la salle de réunion d’un hôtel parisien, c’était pour tous les concurrents présents ce jour-là le premier rendez-vous officiel avec la compétition. Une piqûre de rappel donc.
Etienne Lavigne, le patron du Dakar, a sonné l'alarme le premier. Je ne me souviens plus précisément de ses mots, mais voici comment ils résonnent dans ma mémoire: « Je vous préviens, l’une des clés du rallye cette année sera l’altitude. Nous allons franchir quatre fois la Cordillère des Andes, à 4800 mètres. Il faut donc que vous sachiez comment vous vous comportez en montagne. Si vous ne savez pas, allez passer une nuit au refuge de l’Aiguille du Midi ». Je crois qu’à ce moment-là l’ensemble des débutants se sont regardés en se demandant qui était allé le plus haut lors de ses dernières vacances au ski. Mais de là à franchir quatre fois le Mont Blanc en deux semaines, naît forcément une part d’angoisse. Pour en finir avec ce rendez-vous du 17 octobre, le remède est venu dans l’après-midi d’un médecin urgentiste. Il nous a prescrit ses conseils comme des ordonnances: il existe des tests d’effort en hypoxie, reconstituant les conditions d’altitude. Tant pis pour qu’Aiguille du Midi, direction le service de médecine du sport de l’hôpital de Saint-Germain-en-Laye.
Après m’avoir détendu avec quelques blagues, afin de chasser le stress des dizaines de capteurs qui me relient à deux ordinateurs, les médecins m’invitent à pédaler à rythme modéré pendant vingt minutes. Les bips des ordinateurs ont été coupés. On ne me donne aucune information, afin que je ne sois pas influencé ou angoissé. J’ai juste constaté qu’en un instant, mon rythme cardiaque a fait un bond de 90 à 140 pulsations. Une drôle de sensation d'étouffer. J’avais envie d’arracher cet attirail pour mieux trouver l’oxygène. J’en déduis donc que je venais de faire du vélo sur la Cordillère. Cette parenthèse sportive s’achevant, on m’informe que mes résultats ne seront pas divulgués dans l’instant, ils me seront envoyés par courrier… Éventuellement avec des conseils.
Me voilà donc avec une nouvelle incertitude. Suis-je compatible avec l’altitude? Je crois que je n’ai même pas envie de connaître la réponse, comme de nombreux concurrents qui s’élanceront sans ce niveau d’information. Car cette question de l’altitude est à ranger parmi les dizaines d’autres points d’interrogation: Vais-je supporter la chaleur dans l’habitacle? Vais-je savoir naviguer? Vais-je… Une question parmi tant d’autres que j’adresse à mon pilote, Éric Bernard, lors de nos conversations quotidiennes au téléphone. Celle de l’altitude est vite éludée: « Ne t’inquiète pas, je l’ai fait. J’ai même fait des pompes à 4800 pour rigoler. Bon j’avoue ce n’était pas facile. »
C’est une certitude, lui, n’a « même pas peur ». Ou alors il ment très bien.