J’ai pu en privilégié assister à la projection en avant première de la ligne droite, le dernier long métrage de Régis Wargnier dont la sortie en salles est prévue le 11 mars prochain. Régis est un cinéaste rare, réellement amoureux des gestes de l’athlétisme.
J’ai eu la chance de profiter de cette aubaine en étant associé il y a quelques années au tournage de son documentaire « Cœur d’athlètes » qui mettait en perspective trois portraits exemplaires à plus d’un titre. Heike Dreschler Hicham El Guerrouj et Haile Gebreselassié qui portaient en eux le formidable espoir d’exister grâce au sport. Ces destinées hors du commun étaient la résultante d’une détermination individuelle à toute épreuve sublimée par l’histoire collective de laquelle leurs terres natales étaient imprégnées. Régis était parvenu sans efforts apparents à rendre lumineux cette filiation tenace.
La ligne droite est l’aboutissement de sa réflexion dans le domaine si particulier du sport de performances .Régis qui est aussi l’auteur du scénario original imagine la rencontre de deux âmes écorchées par l’existence. Leila, une beurette des cités qui sort tout juste de prison et Yannick un gamin frappé de cécité après un récent accident de la route. Avant que leurs destinées singulières ne s’aimantent naturellement, Régis a eu l’idée d’imposer entre eux un lien obligé. La cordelette qui permet à l’aveugle de courir à la condition d’être lié à son guide. Il ressort de cette expérience, un long apprentissage pour faire naître la confiance et quelques questions essentielles. Peut-on conjuguer ou cumuler ses handicaps ? Peut-on réécrire sa destinée en s’en remettant au regard d’une étrangère ? Le sport est-il à lui seul capable de tout effacer ? Régis se garde bien d’opposer un seul point de vue mais son propos se veut raisonnablement optimiste. Yannick qui évoque dans une scène la trajectoire exceptionnelle des champions, note qu’ils ont tous du lutter pour sauvegarder leur existence. Que ce soit Heike en RDA, Hailé en Ethiopie ou Hicham au Maroc, tous les parcours convergent vers cette évidence. Il n’y a qu’à assister à une séance dure d’entraînement pour s’en convaincre. Chez Hicham à Ifrane par exemple, la caméra de Régis avait su saisir l’instant précis où les jambes de l’athlète à bout de souffle sont prises en charge par son seul cerveau. La plus belle réussite de cette ligne droite aura été de restituer cette alchimie unique. L’athlétisme tout entier soudain en sort grandi.