Honte aux managers sans scrupules !

C’est un tout petit bonhomme, le genre de ceux qui passent inaperçus sur le quai d’une gare de province. Son corps menu flotte dans un anorak, bleu pétrole, bien trop large pour ses frêles épaules. Il s’appelle Abinet Abiyote Il a tout juste 24 ans et est originaire d’Ethiopie.
Abinet, comme nombre de ses frères, est taillé pour la course à pied. Sur la piste, c’est un bonheur de voir sa foulée ample effleurer le tartan. Abinet est l’un  de ces seigneurs du 1500 mètres susceptibles de s’inviter dans une finale olympique ou de championnats du monde. Son record personnel pour l’heure est de 3’36’’07.
Débarqué fraîchement d’Addis Abeba, Abinet aurait du être l’une des têtes d’affiche ce vendredi du meeting d’Hérouville dans le Calvados. Au lieu de cela terrassé par de violents maux de ventre, il est resté toute la journée cloîtré dans sa chambre d’hôtel.
Ce matin son état ne s’améliorant pas, il a décidé de reprendre l‘avion pour aller se soigner en Ethiopie. Abinet ne parle pas un traître mot de français et ignore quasiment tout de l’anglais. C’est donc  avec les mains qu’il a tenté d’expliquer sa situation.
Riad Ouled qui accompagnait en Normandie un groupe d’athlètes a téléphoné au manager du coureur éthiopien installé au Qatar. Il lui a tout expliqué,  a tenté en vain de plaider la cause d’Albinet. Rien à faire. L’agent s'est montré inflexible.
Pas question de déroger au programme. Direction Prague pour un autre 1500 mètres. » Qu’il prenne au moins le départ de la course quitte à ce qu’il abandonne au bout de 10 mètres ! »
Abinet ne s’en sent même pas la force. Alors le manager invisible perd patience au bout du fil. » Puisqu’il ne veut en faire qu’à sa tête qu’il se débrouille tout seul ! » Albinet le dos voûté semble si vieux tout à coup. Mais il ne demande rien, reste infiniment digne.
C’est Riad qui décide de l’accompagner à Roissy et de financer le supplément du billet sur ses deniers propres. « Tu vois Patrick, c’est encore comme cela que certains managers sans scrupules considèrent les athlètes africains de haut niveau ! Et cela vois-tu il faut l’écrire et l’écrire encore  sans relâche ! » Dont acte Riad.
Heureusement que ces malheureux croisent quelquefois aussi des hommes au grand cœur, des hommes de bonne volonté.