Daegu, où se dérouleront à partir de demain les championnats du monde d’athlétisme, a la réputation d’être la ville la plus chaude de Corée. Enfin, avait la réputation, serait-il plus juste d‘affirmer car la municipalité en plantant près de 3 millions d’arbres est parvenue à abaisser sensiblement le niveau de la température moyenne.
Pour le reste, la troisième ville du pays est réputée pour la qualité de ses pommes et la beauté de ses filles. Pour ce qui est des fruits la proximité de Fukushima (1000 kilomètres à vol d’oiseau) invite à une certaine prudence et pour ce qui est des demoiselles, pas question de croquer dans le fruit ni même d’y goûter sous peine de s’attirer quelques pépins amers. Dans ces périodes quelques peu troublées il convient pour les citoyens français d’adopter une certaine distance.
On se contentera donc depuis la terrasse d’un café d’observer les allées et venues des belles de Daegu et de respirer les effluves de leurs parfums dispersés dans l’atmosphère. Le centre ville est l’enjeu d’une animation commerciale incessante. La ménagère de moins de 50 ans est ici comme ailleurs la cible privilégiée des camelots qui les haranguent un micro collé aux lèvres.
Dans cet univers bruyant et kitsch, les filles de Daegu se tiennent volontiers par la main sans que cela induise une attirance sexuelle quelconque pour les personnes du même sexe. L’homosexualité reste ici un sujet tabou. La mode est au port du short, mini de préférence, à la blancheur extrême de la peau protégée des assauts du soleil par une délicate ombrelle.
L’idéal féminin est diaphane et longiligne et un tantinet occidental. Du coup la zone piétonne, qui regorge de boutiques de fringues et de produits de beauté, offre le spectacle rare d’un défilé de mode permanent. Les filles au nez et à la poitrine refaites déambulent, comme sur la croisette, superbement indifférentes, au bras d’une copine. De temps à autre, elles consultent fébrilement leur mobile et portent leur main à la bouche avec empressement dès qu’un sourire se dessine sur leurs lèvres ourlées. Elles investissent les bars, sirotent lascivement un thé glacé et fument de fines cigarettes dont elles n’inhalent jamais la fumée.
Les garçons observent ce long métrage à distance respectueuse, manifestement intimidés. Les hommes font rarement le premier pas et s’en remettent encore aujourd’hui aux entremetteuses. Au bar du Novotel, le plus bel hôtel de Daegu, les dimanches après midi, des marieuses proposent des rencontres express entre célibataires.
L’amour est rarement à l’ordre du jour. Il convient en matière d’union de revenir aux fondamentaux. (Le prétendant idéal est respectable, il ne boit pas, et fera de beaux enfants -Des garçons de préférence).
A quoi pense la jeune femme magnifique qui prend la pose attablée juste en face de moi ? Rêve telle de devenir actrice, d’épouser l’égérie de l’un de ses boys band qui tournent la tête de la jeunesse coréenne ? Les minets investissent toutes les chaînes de télé mais on ne les croise jamais dans la rue. Ils sont jeunes , élancés, incroyablement effeminés, les cheveux permanentés. Ils semblent irréels, confinés à jamais dans les clips qui tournent en boucle dans la tête des belles de Daegu . On comprend dès lors que la comparaison soit rude pour le jeune coréen standard au coeur tendre.
J’ébauche un sourire en direction de ma voisine, marmonne deux mots d’anglais.En pure perte. Elle ne détourne même pas son regard. Je n’existe pas.