Journaliste de terrain plutôt que "Bord terrain"

Un site internet aujourd’hui encourage le microcosme télévisuel sportif   à désigner  ce qu’il y a de meilleur dans la profession de journaliste.

L’initiative en soi  n’est  ni nouvelle, ni critiquable. Depuis l’école maternelle la société désigne des premiers de classe, octroie des prix aux têtes blondes qui assimilent le mieux ses préceptes.

Il n’est pas dans mon intention de dénoncer un système vieux comme le monde, ni même de contester ses lauréats puisqu’il s’agit du simple reflet comptable de ceux qui s’agitent sur la toile dans l’espoir de mobiliser leur clientèle et d’être en retour  récompensés. Logique et humain.

En revanche puisqu’il faut bien faire durer le plaisir et étaler la consultation pour des impératifs de communication et de reconnaissance médiatique, la multiplication des catégories de récipiendaires m’interpelle quelque peu.

Voici maintenant venu le temps de célébrer les « Journalistes bord terrain ». Etrange dénomination réservée aux confrères  qui  complètent l’habillage des grandes retransmissions de sport. Pour plaquer du son sur de l’image, la télévision a d’abord  inventé le commentateur, puis lui a adjoint un ou plusieurs  consultants et enfin un homme de terrain.

La liste n’est pas exhaustive. On évoquera bientôt le meilleur statisticien tant la multiplication artificielle  des fonctions comme celle des petits pains est infinie.

Alors banco pour le journaliste bord terrain !  Mais de quoi parle –t-on au juste ? D’un journaliste (pas toujours d'ailleurs) chargé au bord de la pelouse d’annoncer les changements de joueurs et de récolter à chaud les premiers mots des acteurs des spectacles sportifs.

Cette proximité immédiate  a trouvé sa justification dans le souci des chaînes détentrices de droits d’apposer de plus en plus clairement  leur signature au bas d’un contrat de plus en plus onéreux. Cette inflation des présences est donc  des plus logiques. Elle est le corollaire d’un investissement de plus en plus lourd.

Mais s’agit-il alors d’une démarche  journalistique  ou  d’une simple animation additionnelle ? Les changements et les interviews à chaud ne nécessitent  aucune investigation particulière. Tout est orchestré par avance par un protocole de plus en plus contraignant.

Pour le journaliste dit « Bord terrain » cette activité ne représente qu’une part marginale  de son métier.

Pourquoi alors s’évertuer à la distinguer si ce n’est pour privilégier le futile par rapport à l’essentiel ?

En célébrant le terrain l’organisateur de ce scrutin aurait pourtant l’occasion de  remettre en pleine lumière un aspect de la profession  de plus en plus délaissé ces derniers temps. Celui de journaliste de terrain ou d’investigation. Les confrères qui enquêtent et réalisent des reportages, qui offrent aux téléspectateurs la possibilité d’aller plus loin que la simple retransmission en  direct.

Après le choc émotionnel, le temps de la réflexion, de l’analyse, du décryptage. De l’intime aux dérives. Des débordements sociétaux  aux belles histoires.

Dans cette catégorie, foisonnante  et exemplaire ,  comme la  vie, les talents ne manquent pas. Récompenser ces investigations réalisées le plus souvent  derrière la caméra serait juste et pourrait susciter quelques vocations.

Ne serait ce que pour cela , il ne semble regrettable  que cette part essentielle de notre mission  soit condamnée à rester dans l’ombre. Quitte à voter autant que ce soit pour  ce qu’il  y a de plus noble dans le journalisme ! Le témoignage.