L’info du jour, c’est que nous sommes en retard !
La première étape péruvienne ne veut pas nous laisser tranquilles. Après un bivouac frisquet et très très humide, nous avons quitté notre campement près de La Joya par 7 degrés, avec la bonne intention d’en finir avec la deuxième partie de la spéciale de l’étape Arica-Arequipa. Le terrain et la trace dessinée par les deux passages de pré-reconnaissances ont considérablement ralenti la cadence imaginée.
Dès 7 heures ce matin dans une brume pâle, quelques dunes blanches ont freiné le petit train du convoi des recos. Un quart d’heure par ci, dix minutes par là, ce sera le rythme de la journée : de petites pertes de temps pour venir à bout de passages plus ou moins difficiles. Des aléas d’autant plus compliqués à anticiper que le tracé du jour s’effectue majoritairement hors piste ; l’autre pan de notre mur à problèmes.
Le hors-piste, c’est tout un art : on donne un cap aux concurrents pour rallier un point et, à ce point ils trouvent un autre cap à suivre pour changer de direction, etc… Un tracé hors piste se conçoit donc sous forme de longues lignes droites sur la carte, axes que l’on suit plus ou moins scrupuleusement ou pas, selon que le relief et l’état de la piste vous l’autorisent.
Un tracé hors-piste sur un gps se matérialise de la même façon que sur une carte. Des droites qui s’enchaînent avec un changement d’angle pour chaque changement de cap. Les équipes péruviennes mandatées par les organisateurs pour le tracé provisoire ne sont pas familières de cette matérialisation du hors piste. Nous avons donc suivi un « track » (dénomination de la ligne qui indique la voie sur nos gps) qui zigzaguait au plus près des obstacles au lieu de les contourner largement à grands coups de lignes droites, donc.
Par exemple, à la sortie d’une plaine, il fut question de contourner une oasis et surtout des champs de culture, encore désertiques mais en attente d’une fertilisation par l’eau amenée prochainement par canaux. Cet imprévu, long et large de quelques km nous occupa une heure et demie. Ce fut beaucoup de temps passé pour joindre deux points distants d’à peine 10km mais ce fut du temps passé à faire en sorte que le rallye passe bien au large. Le désert est bien assez grand.
C’est toute l’utilité de cette troisième et définitive phase de reconnaissances : David Castera et Etienne Lavigne valident le tracé, l’aménagent si besoin, le réduisent ou l’étirent si nécessaire. Ca fait, parfois, beaucoup de boulot en plus pour Jean-Pierre Fontenay. Il a passé sa journée à revenir en arrière pour repartir d’un meilleur pied, sur un meilleur cap. Ca fait autant de boulot en plus pour Jacky Dubois, son co-pilote. Il a passé la sienne à effacer des notes pour en ré-écrire d’autres, puis effacer encore et écrire toujours. Du temps passé à rédiger un road-book cohérent et précis.
Sur cette étape, les motos poursuivront leur route au-delà de la ligne d’arrivée des voitures. Voilà, aussi, pourquoi nous sommes en retard :
Cette fin de spéciale moto est trop rude aux yeux de David Castera, ancien motard de rallye raid, mieux placé que quiconque pour présumer de la fatigue des troupes à ce point du rallye.
En fin de journée, les voitures de Castera et Fontenay ont quadrillé la fin du tracé autour du petit village de Vitor pour trouver de nouvelles passes vers Camana, point final de l’étape moto. Le tracé initial est musclé. Trop. Alors ils y passeront le temps qu’il faudra mais ils réussiront à adoucir les 50 derniers km des motos. Demain matin deux voitures vont ratisser les alentours pour adoucir la fin d’étape des motards. Cela fera une demi-journée de retard sur l’ordre de marche ; mais là encore ça vaut le coup.
Deux autres voitures (la notre et celle de Patrick Juillet) partirons à l’assaut de la douzième étape. En route vers Nazca. Vers les grandes dunes péruviennes.