Si un jour vous décidez de vous balader sur le salar d’Uyuni, surtout faites un stop sur l’île d’Incahuasi.
Vous y verrez Alfredo Lazaro Ticona, drôle de petit bonhomme de 72 ans. Il vous attendra sûrement sur la plage de sel au pied de « son » île.
Alfredo s’est échoué ici un soir de 1987, en compagnie d’un ami, lors d’une traversée du salar. Surpris par la nuit, les deux hommes ont décidé de camper là plutôt que de se lancer dans une navigation hasardeuse et sans lune vers Uyuni à 100km de là.
Fasciné par la beauté de son camping improvisé, Alfredo se dit qu’il tenait là un endroit digne d’attirer les touristes, encore bien peu nombreux à la fin des années 80.
L’histoire nous dit qu’il a eu la meilleure idée du monde.
Chaque matin, à l’heure où la lumière est belle, une bonne dizaine de 4X4 et deux ou trois bus déposent les touristes à Incahuasi pour une pause café ou déjeûner et une séance photos du lac vu d’un point haut.
Avec ses visiteurs, Alfredo est toujours joyeux et intarissable. « Les gens qui sont là viennent du monde entier, Asie, Europe, Amérique. Ils ont fait un si long voyage… C’est un devoir de les accueillir aimablement et de répondre à leurs questions »
Pour faire son beurre, Alfredo a installé là une caféteria, une petite boutique de colifichets et même des toilettes « pour que les touristes ne soient pas pressés de partir » dit-il, malicieux.
Alfredo a aussi quelques lamas pensionnaires sur son île. A l’état naturel, ils n’auraient rien à faire ici « mais les gens sont contents de faire des photos avec Orlando et son harem ». Malicieux, on vous dit. Et comme ce matin là, le lama Orlando n’était pas disposé à rester en place, voilà notre homme qui pique un sprint pour ramener le rebelle à la raison ! « Et oui je cours, je fais même du vélo sur le salar quand il fait beau ». On vous rappellera qu’il fait beau souvent et que l’on est tout de même à 3760m d’altitude…
« Mon secret de jouvence ? Je bois du Puro Maté, jamais de boisson gazeuse et encore de moins de sucre ou de graisse ». Simple et drastique, le régime.
Alfredo finira sa vie sur son île. Enfin son île, il a beau dire qu’elle lui appartient, la chose est bien difficile à vérifier.
« C’est chez moi pour toujours ici. Ma femme passe son temps à Uyuni mais moi, je n’aime plus la ville. Vous savez, je vois entre 1000 et 2000 touristes par an alors le monde, la ville… »
Voilà l’histoire d’Alfredo qui se considère comme un îlien à part entière, car lorsqu’on lui demande comment il est approvisionné en eau douce, voici sa réponse : « Ils me l’amènent par camion citerne, du continent ».