LA TETE DANS LES ETOILES

C’est à 5 km au sud de San Pedro de Atacama. Au début d’une plaine infinie qui loge le salar d’Atacama. Au pied d’une barrière de volcans qui marque le début de la cordillière des Andes.

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C’est un endroit étonnant qui n’attire pas l’œil du bord de la route mais qui vous laisse bouche bée une fois dans la place. 15 téléscopes robotiques cachés sous leurs coupoles et 10 téléscopes classiques posés sur leurs pieds, les uns à côté des autres

Vous êtes ici dans le jardin d’Alejandra et Alain Maury. Un observatoire astronomique en plein air qui accueille tous les soirs des visiteurs de San Pedro de la tombée de la nuit à 2h du matin. Les groupes se succèdent ce soir-là. 4 en tout, à chaque fois plus d’une heure de « visite » qui commence par une leçon drôle et très accessible de l’essentiel à connaître des étoiles et des planètes.

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Alain, lumière lazer à l’appui, pointe Neptune, Mercure, les nébuleuses et fait rire ou sourire son assistance tout en lui donnant des dizaines d’informations à la minute. A quelques mètres, Alejandra en est à la phase « II » : observation avec les téléscopes des objets (on ne dit pas étoile ou planète) regardés à l’œil nu pendant le cours « magistral » qui précède.

A la fin de la visite céleste, malgré le froid de la nuit atacamienne, les gens ont le sourire en remontant dans le bus qui les ramène à San Pedro. Ca parle étoiles et galaxies en espagnol. Ils avouent ne pas avoir tout-tout compris mais ne verront plus jamais le ciel comme avant…

Retour au début de l’histoire. Une enfance à Nancy. Un diplôme de photographie et une carrière de photographe scientifique dans des observatoires pour commencer. Alain est plus que photographe… Astronome dans l’âme.

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Il s’intéresse aux astéroïdes géo-croiseurs et participe à un programme de recherche dans ce domaine à l’observatoire de la Côte d’Azur. Puis se retrouve à La Serena (Chili) dans le cadre d’un projet européen intitulé Expérience de Recherche d’Objets Sombres. « Avec un titre pareil (EROS), pas étonnant que je rencontre l'Amour de ma vie au Chili, sourit Alain »

Alejandra est employée dans le tourisme, lui fait dans les étoiles, ils décident de créer ce « tour astronomique » au milieu des tours tant touristiques qui sont légion à San Pedro.

« On a démarré en 2003 et en 2006, on a failli mettre la clef sous la porte. La seule raison qui nous a retenu, c’est qu’on n’a pas réussi à vendre la maison ». Alain décide de diversifier ses activités pour pouvoir continuer de vivre sa passion. Le premier télescope robotique arrive en kit en 2009. Aujourd’hui, il y a 15 coupoles sur le terrain d’Alain et Alejandra. « Le principe est simple : nous recevons le matériel, nous l’assemblons, nous l’installons sur la dalle que nous avons coulée, nous l’alignons et on assure la maintenance du matériel ».

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20h, la nuit arrive lentement. On entend couiner les coupoles qui grincent un peu en s’ouvrant. Chaque téléscope robotique est commandé à distance par son propriétaire qui va contempler la partie du ciel qu’il a choisie dans son salon, via internet.

Les clients ? Des astronomes amateurs qui se regroupent pour financer leur projet, mais aussi l’Institut d’Astronomie de Pologne, celui d’Astro Physique d’Andalousie. Chacun son objectif. « Les espagnols sont connectés aux astéroïdes transneptuniennes Avec des copains on s’intéresse beaucoup aux comètes ces temps-ci. » Alain transmet ensuite rapports et photos à quelques institutions très officielles.

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« On emploie trois personnes à temps plein, on passe du temps sur la maintenance et nous réinvestissons souvent sur du matériel qui évidemment coûte assez cher ». Toujours avec ce même sourire enthousiaste, Alain nous dira que désormais, il gagne mieux sa vie qu’au temps du CNRS. « On vit bien, on voyage beaucoup ». Le coup d’œil sur le « campo » d’Alain et Alejandra en apprend beaucoup : leur maison est modeste, pas de gros 4X4 à l’entrée. Leurs envies sont ailleurs : visiter le monde, acheter des appareils photos ultra performants et des téléscopes de plus en plus puissants pour leur plaisir et celui de leurs visiteurs.

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« On a bâti un petit lodge qui accueille des astronomes qui veulent voir le ciel d’ici « en vrai ». Ici on a le ciel le plus pur du monde et plus de 300 jours de beau temps par an. D’ailleurs c’est bien pour ça que le projet ALMA (gigantesque projet unissant Europe, Etats-Unis et Japon, 66 antennes capables entre autres d’observer la naissance des étoiles) s’est installé en face de nous. Ils nous ont copiés et pas l’inverse, conclut Alain dans un éclat de rire. »

Publié par Jean-Francois Kerckaert / Catégories : Dakar 2015