Utrecht au ralenti

BELGA PHOTO DIRK WAEM

Le prologue du Tour a commencé. Ce n’est pas une course de vitesse, au contraire, mais un éloge de la lenteur. Depuis mon arrivée dans la vieille cité des Pays-Bas que domine la haute tour du Dom Toren (465 marches, un parcours pour grimpeurs), j’ai l’impression de vivre au ralenti. Des nuées de cyclistes débouchent de toutes parts dans un silence souverain. C’est à peine si on entend un timbre résonner au détour d’un virage. Ils glissent comme dans un rêve. Des hommes et des femmes de tous âges, des parents avec leur rejeton assis sur un minuscule siège entre selle et guidon, des vélos cargos façon triporteur qui dit-on ici, servent aussi pour déménager. Ces hordes paisibles pédalent sans se presser. Les cyclistes ont toute la route pour eux, tout le temps devant eux. Les autos se font discrètes, on est chez les rois de la Petite reine. L’harmonie règne. Pas d’énervement, pas de mouvements d’humeur. On roule en douceur. Et pas d’inquiétude pour garer son précieux engin. Les parkings à vélo s’étendent à perte de vue, parfois sur plusieurs étages… Dans le quartier de la gare centrale, le plus grand bercail à deux-roues du monde est en construction. Une sorte de palais couvert pour vélos de monsieur et madame tout-le-monde. Sa capacité passera de 2200 bécanes à 12 500 en 2018.

 

Dans les quartiers anciens, les troncs d’arbres ont été ceints de toile jaune ou blanche à poids rouges. Il est bien connu que par la magie du Tour, les arbres peuvent monter au ciel ! Dans les vitrines des boutiques de mode, les mannequins portent des robes couleur mimosa. On a installé des vélos très chics en devanture. Les galeristes exposent des toiles à la gloire des champions. De vieux maillots d’antan ont été exhumés d’on ne sait quel peloton fantôme, avec bien sûr le mythique paletot Ti-Raleigh, ses bandes noir et rouge que portèrent les Bataves Kuiper ou Zoetemelk. A Utrecht on ne peut que faire du surplace devant toutes ces merveilles cyclistes. Un vent orageux aux senteurs curieusement tropicales balaie les rues et les cheveux. Il est temps que le prologue commence. Demain, place à la vitesse.

Eric Fottorino

Publié par francetvsport / Catégories : Non classé