Pour mémoire

Photo prise dans les années 1910 du cycliste luxembourgeois François Faber, premier étranger vainqueur du Tour de France en 1909.

Si de jeunes hommes peuvent s’empoigner pacifiquement sur les routes du Nord, c’est que d’autres hommes, jeunes eux aussi, plus jeunes encore sans doute, se sont battus et entretués sur ordres, il y a un siècle, sur ces mêmes terres qui furent leur tombeau. Alors que se profile l’étape Arras-Amiens de ce 102e Tour de France, une vieille mémoire remonte à la surface, comme une cicatrice mal refermée. Le Tour né en 1903 n’a que 102 ans et non pas 112. Pour une simple raison : entre 1915 et 1918, puis entre 1940 et 1946, il a perdu quelques unes de ses belles années. Au total, 11 Grandes Boucles n’ont pas eu lieu pour cause de guerre.

 

La première, qu’on appela trop vite la Der des Der, faucha une dizaine de millions de soldats, et presque autant de civils. Parmi eux, trois destins liés au Tour, trois anciens vainqueurs qui ne retrouvèrent pas leur place dans les pelotons de la France rendue à la liberté. Lucien Petit-Breton, premier double vainqueur de l’épreuve (1907-1908), François Faber le franco-luxembourgeois (1er en 1909) et Octave Lapize (1er en 1910), tous virent leur destin brisé. De héros du Tour, ils devinrent des héros tout court. Lapize, passionné d’aviation, fut abattu en vol. Petit-Breton se tua en auto en 1917 alors qu’il revenait du front des Ardennes, heureux de retrouver sa femme pour sa permission de Noël. Quant à Faber, surnommé le géant de Colombes, il fut tué par une balle explosive alors qu’il était parti secourir un compagnon d’arme gravement blessé. On ne retrouva pas son corps enfoui dans un champ pilonné du Pas-de-Calais. Son nom, qui ne figurait pas sur le monument aux morts de son village natal, a enfin été gravé dans la pierre, le 9 mai 2015. Il n’est jamais trop tard pour se souvenir.

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