C’était il y a … 40 ans. Dans ma mémoire bouillonnante comme sûrement l‘eau dans les bidons ce jour-là, c’était hier. Jour de gloire pour un Bourguignon volontaire qui déboulonna la statue vivante d’Eddy Merckx dans la montée sur Pra-Loup. Les images sont encore si nettes que je me demande parfois si un morceau de moi n’est pas resté à mariner dans l’adolescence, collé à sa télé devant le Tour avant soit d’aller pédaler (si soleil), soit de jouer avec ses petits coureurs en acier (si pluie). Le 13 juillet 1975, Bernard Thévenet mit fin au quinquennat merckxien dans l’épreuve reine du cyclisme mondial. Et non content d’avoir ravi son paletot au Cannibale, il l’estoqua dès le lendemain dans l’Izoard, confortant son avance pour l’emporter peu après sur les Champs-Elysées où le Tour arrivait pour la première fois. Depuis 1967 et la victoire de Roger Pingeon (un Peugeot à damiers lui aussi), pas un seul français n’avait remporté l’épreuve. On commençait à trouver le temps long.
C’est dire s’il nous semble à présent interminable, et disons-le insupportable, trente ans après qu’un autre Bernard, Hinault celui-là, a conquis son dernier titre à Paris. Que faire ? On ne peut plus se satisfaire de nos souvenirs. La roue tourne et la nostalgie ressemble à une chaine qui grince. On aimerait voir surgir un nouveau nom de champion à se mettre en bouche. Sera-ce Pinot, Bardet, Barguil ? Un vengeur masqué, un illustre inconnu ? Cette année, on parlera anglais au sommet du podium. Mais déjà je pense à l‘année prochaine. 30 ans sans victoire française, ça ne peut pas continuer. Je rêve que l‘an prochain, nos jeunes se mettent sur leur trente-et-un. Pour le décrocher enfin, ce « yellow jersey » !